Par Philippe Dagneault
Bonjour chers grimpeurs, vous avez peut-être lu, sur le site d’Avalanche Québec, qu’il y a deux grimpeurs qui ont été victimes d’un incident sur le Gros Bras, mercredi le 25 janvier. Eh bien, je suis un de ces deux grimpeurs et je veux vous faire part de mon expérience. Premièrement, pour expliquer les faits et tout l’émotion ressenti et, ensuite, pour que vous soyez plus vigilants lors de vos prochaines sorties de grimpe ou de randonnée.
Notre projet était de faire Gaston et Mademoiselle Jeanne. Mon partenaire et moi avions vraiment hâte de faire cette voie. En arrivant au stationnement de la Sépaq, nous avons préparé notre matériel d’escalade, bouclé nos sacs-à-dos et nous sommes partis en direction de la fameuse ligne. Nous étions vraiment contents car il faisait beau et les conditions semblaient parfaites pour la grimpe. Nous marchions dans le sentier tranquillement et, tout à coup, nous avons entendu un bruit sourd. Nous nous ne sommes pas méfiés et nous avons poursuivi notre chemin. En se rapprochant de la paroi, nous avons remarqué quelques fissures dans la neige, c’était étrange et inhabituel. Nous étions conscients que ce n’était pas normal et que c’était possiblement mauvais signe. Presqu’au même moment, nous avons entendu un autre bruit sourd celui-ci étant vraiment plus fort que le premier. C’est à cet instant que mon partenaire a crié AVALANCHE!
Je n’ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit, la plaque qui s’est détachée au pied de la paroi nous a frappé de plein fouet. J’ai été projeté sur 7 à 8 mètres et j’ai été enseveli sous 1 mètre de neige. J’ai eu la chance d’atterrir sur le dos et j’ai eu le réflexe de mettre mes bras devant mon visage ce qui m’a probablement sauvé la vie et celle de mon partenaire par la suite.
Je paniquais et je cherchais mon air. Je croyais que mon heure était arrivée. Tout est devenu noir. La neige était tellement compacte, mon gros pack sac dans mon dos et mes raquettes dans les pieds sous la neige, m’empêchaient de bouger. J’étais paniqué, complètement affolé. Toutefois, le fait que mes bras avaient créé un petit espace m’a permis, avec une seule main, de faire un trou pour enfin reprendre ma respiration. Quel soulagement !
Tout ça a pris quand même un certain temps. Enfin calmé, je me suis mis à crier à mon partenaire : t’es où, réponds-moi ? Sans réponse. Je me suis remis à paniquer à cause de mon impuissance car je ne pouvais toujours pas bouger sous le poids de la neige. J’ai continué d’agrandir le trou avec ma seule main libre tout en continuant de crier : T’es où?
Finalement j’entends en dessous de moi un léger son provenant de mon ami et là je me dépêche à creuser en sa direction afin de lui permettre de respirer et ce, toujours avec ma seule main libre. Après quelques secondes, j’ai réussi finalement à le rejoindre ce qui lui permet de respirer. J’ai enfin entendu, avec délivrance, sa voie plus claire et je lui ai dit : on est en vie!
Par la suite, il devait trouver un moyen pour sortir de là. Après quelques minutes, j’ai enfin pu relâcher les brettelles de mon sac à dos pour de me libérer les deux bras. Je me suis mis à creuser rapidement pour dégager mes bottes et prendre mes raquettes. J’ai réussi à sortir ma botte et je me suis empressé de l’utiliser pour creuser autour de moi. J’ai finalement réussi à me sortir de mon trou.
Puis, je me suis dépêché à sortir mon chum de sa fâcheuse situation. Il était sous moi et une de ses dégaines s’était accrochée sur mes crampons fixés sur mon sac à dos. Ceci à fait en sorte qu’il est demeuré à ma proximité et ça m’a probablement aidé à le sauver. Bref, j’ai réussi à le sortir de là. Il s’est alors mis à cracher du sang tellement il était en train de suffoquer par la neige qui était entrée dans ses voies respiratoires et son estomac. J’étais néanmoins soulagé d’avoir réussi à nous dégager de là ! Évidemment, j’avais l’adrénaline dans le piton et en même temps il y avait tellement d’émotions qui se bousculaient dans ma tête.
Nous avons décidé de rebrousser chemin, vous comprendrez que nous n’avions plus la tête à grimper. Jamais je n’aurais imaginé qu’une avalanche pouvait se déclencher au pied de cette voie. Comme quoi, maintenant, il faut être vigilant. Depuis quelques années, les conditions de neiges dues à des hivers particuliers amènent de l’instabilité des couches de neige en montagne et, par conséquent, les risques d’avalanche sont sûrement en croissance dans des secteurs habituellement non-touchés. Restez à l’affut des signes et soyez prudent. Bonne grimpe!
OUF! C’est fou que la petite pente au-dessus de vous aurait dégagée assez gros de neige pour vous ensevelir. Ça montre à quel point il faut rester vigilant. Quel soulagement qu’il vous n’est rien arrivé de plus grave! Merci pour le récit clair et instructif.
Vue du parking, avec des jumelles, la couronne de l’avalanche a l’air de faire au moins un mètre (!!!). Il y a beaucoup de neige qui s’accumule par le vent et par les spindrifts au bas du gros bras ce qui fait que le manteau neigeux dépasse l’accumulation due aux précipitations.
Bien heureux que vous soyez sains et saufs! Merci pour le compte rendu. J’espère que ton ami se porte bien…
J’étais sur le Gros Bras hier avec Ben Dubois, Pierre Raymond et Carl Darveau. Nous avons marché dans les débris de l’avalanche. C’était très impressionnant. La couronne de l’avalanche fait effectivement un peu moins d’un mètre de haut par endroit et est large d’une vingtaine mètres peut-être un peu plus. Très grande quantité de neige. Je crois sincèrement que 99% des grimpeurs auraient passé à cet endroit sans envisager que ça aurait décroché à ce point. Il faut apprendre de cet événement. En tout cas moi ça m’ouvre les yeux encore plus! Merci Philippe pour ton témoignage.