Par Hugo Drouin
Le 10 mai, Jean Sylvain, un pilier de l’escalade québécoise, nous a quitté après 82 années bien remplies. La passion, le charisme et la joie de vivre de Jean ont touché un grand nombre de personnes. Au cours des dernières années de sa vie, j’ai été marqué à mon tour par les qualités de Jean et j’ai eu la chance de développer une relation privilégiée avec lui.
Ce texte se veut un hommage à Jean Sylvain et, plus spécifiquement, à son apport sur l’escalade au Québec.
Jean Sylvain est né en 1933 dans le faubourg St-Jean-Baptiste à Québec. À cette époque, l’escalade n’existait pas en tant que telle au Québec. À l’adolescence, Jean et ses amis ont de l’énergie à revendre et pour tromper l’ennui, ils gravissent sans corde ni protection, les structures de la ville de Québec : remparts, pont de Québec, hôtel de ville, parlement, etc.
Au début des années 1950, Jean découvre la falaise du Vieux-Stoneham. Inspiré par un livre sur l’alpinisme que sa mère lui avait donné, il se met à y grimper en utilisant des cordes de chanvre et des coins de bois en guise de protection. Il s’affaire ensuite à la recherche de falaises plus hautes et de projets plus ambitieux, ce qui l’amène à explorer les falaises du parc de la Jacques-Cartier, du Gros-Bonnet dans Portneuf, du parc des Grands-Jardins, des Hautes-Gorges de la rivière Malbaie et, finalement, des Palissades de Charlevoix.
C’est aux Palissades que Jean fonde et devient le président du Club d’escalade laurentien, le premier club d’escalade dans l’est du Québec. Charismatique et en avance sur son temps, Jean inspire plusieurs jeunes de son époque à s’investir en escalade, organise la construction du premier refuge pour grimpeurs au Québec, et puis le développement de sentiers et de nombreuses voies d’escalade.
Au début des années 1960, Jean Sylvain voit le Cap Trinité pour la première fois. Ces 300 mètres de rocher vertigineux qui élevent directement du Saguenay l’interpellent aux plus haut point. « C’est ici que ça se passe! » se dit-il. Il convainc ses amis André Robert et Pierre Vézina de se joindre à lui dans une grande aventure : devenir les premiers à ouvrir une voir directe au Cap Trinité. Le 2 juillet 1967, après 12 jours et 2 nuits en paroi (oui, vous avez bien lu, douze!), les trois précurseurs se tiennent debout au sommet de la Directissime, la première voie du genre au Québec.
Après le Cap Trinité, Jean s’intéresse aux falaises de la rivière Malbaie. Il devient le premier à explorer l’imposant Cran des Érables et puis les parois sauvages et éloignées des monts Isaïe et Jérémie. À une époque où les connaissances techniques sur l’escalade et l’équipement disponible étaient rudimentaires (pensez pitons, coins de bois et runout), Jean Sylvain et ses contemporains entreprennent des aventures audacieuses, s’étalant parfois sur plus de vingt-quatre heures sans arrêt.
À la même époque, Jean Sylvain a aussi inauguré la première voie d’escalade de glace de l’est du Québec, en réussissant La Congelée aux Chutes Montmorency.
À la fin des années 1970, Jean Sylvain, après dix ans de recherche, innove à nouveau en publiant le livre Parois d’escalade au Québec, le premier guide complet des falaises d’escalade du Québec. 40 ans plus tard, ce livre et ses magnifiques photographies aériennes servent encore de références pour les grimpeurs aventuriers qui cherchent à ouvrir de nouvelles voies ou à répéter les itinéraires audacieux ouverts par les membres du Club d’escalade laurentien.
Aventurier et constamment à l’avant-garde, Jean a progressivement délaissé l’escalade dans les années 1980 pour assouvir sa soif de liberté à travers de nouvelles passions : le parapente, et ensuite le ski, le dessin et la photographie.
On se souviendra de Jean Sylvain comme un être charismatique, passionné et bon et comme l’un des pères fondateurs de l’escalade au Québec. Sa joie de vivre, sa vision et sa ténacité ont influencé une génération de grimpeurs québécois qui ont à leur tour contribué à l’essor de cette activité chez nous, notamment Claude Bérubé, Gaétan Martineau et François-Guy Thivierge.
Au nom des grimpeurs du Québec, merci pour ce riche héritage et bonne route Jean!

Jean Sylvain aux Palissades Charlevoix dans les années 1960 | Photo : collection Jean Sylvain.
Super bon article. C’est fou qu’on n’entende presque jamais parler de personnages aussi imposants sauf à leur mort. Good job et bon voyage à mr. Sylvain.
Merci de partager cette partie de vie d’un grand Monsieur. Lorsque je regarde les voies de son livre je trouve dommage qu’aujourd’hui l’escalade soit rendu si restrictive d’accès. Excellent texte Hugo.
Bon billet Hugo! Effectivement le passé de l’escalade au Québec, particulièrement les hauts faits des grimpeurs légendaires qui nous ont précédés, demeure obscur, dans l’ombre des mythiques voies qu’ils ont ouvertes. J’ai bon espoir que ton livre saura remettre en perspective l’héritage de ces piliers, ces modèles d’antan qui étaient remplis de passion, de vision et de courage! J’ai bien hâte de lire et de m’éduquer sur tous ces grimpeurs méconnus.