Par Alexandre Labbé
Il y a six ans, j’ai vu pour la première fois des images de grimpeurs sur le Cap Trinité. Je ne sais pas encore de qui ils ne s’agissaient ni quelle voie ils grimpaient, mais j’étais impressionné de voir ces hommes perchés sur leur portalegde à des centaines de mètres du sol. Depuis, ce projet est omniprésent dans mes pensées. Chaque année, j’espère être prêt, mais je reporte constamment à l’année suivante. Cet été, j’étais confiant plus que jamais. Mon niveau de grimpe est à son apogée et j’avais un excellent partenaire qui est aussi motivé que moi. Après des centaines de jours d’entrainement, c’était finalement à mon tour, accompagné de Pierre-Luc Carignan, à tester nos capacités sur le joyau du Québec. On est donc parti dimanche soir pour le Saguenay.
Lundi, à 6h du matin, nous naviguons sur la Baie Éternité complètement intimidé par l’immensité du Cap Trinité. Vers 8h, on s’engage dans la première longueur de la voie des Grands Galets. On atteint vers 15h30 la fin de la 3e longueur après une longue journée jumelant de l’escalade libre et de l’escalade artificielle. Nous sommes surtout fatigués dus au hissage de nos énormes sacs dans lesquels on traine le portaledge et nos vives. On installe notre camp au 3e relais. On grimpe également la 4e longueur et on laisse une corde fixe avant d’aller se mettre au lit avec une vue splendide. Mardi, on repart au lever du soleil. À partir d’ici on hissera seulement un petit sac léger avec de l’eau, nos lampes frontales et des collations. Il faut maintenant être efficace, car nous devons atteindre le sommet et redescendre au campement dans cette même journée. La 5e longueur me prend des heures… Chaque mouvement d’artif m’aspire dans le centre du dièdre fermé. L’inconfort est au maximum. Je me rétablis en haut du dièdre où Pierre-Luc vient me rejoindre pour partir en tête à son tour. Sa grimpe est de haut niveau. Il est efficace et il a atteint rapidement la grande vire du relais 6. De là, on peut reposer nos hanches qui sont pendues dans le harnais depuis une demi-journée.
Je repars exécuter un mouvement étrange sur un vieux piton et j’effectue la belle traversée sous le grand toit pour atteindre l’avant-dernier relais. Le temps passe, il est déjà 16h. Pierre-Luc se lance dans le dièdre sale et la cheminée finale qui est très étrange à grimper en artif. Il atteint le sommet du Cap Trinité et je l’entends exprimer sa joie.
À 18h30, nous sommes deux hommes exténués qui savourent leur victoire en contemplant le panorama hallucinant qu’offre le sommet sur le Fjord du Saguenay. Vu l’heure, on ne traine pas trop avant de repartir en rappel. On rejoint le portaledge à la frontale à 20h. On célèbre notre succès avec quelques gorgées de rhum accompagné de Pink Floyd sur le speaker. Devant nous, le ciel nous offre un véritable spectacle. La pleine lune se lève derrière les montagnes de la rive opposée du Fjord illuminant en entier la falaise blanche du Cap Trinité qui surplombe la baie.
J’ai essentiellement débuté l’escalade, car j’étais inspiré par les grimpeurs du Cap Trinité. Après six années d’entrainement, de persévérance et d’échecs, nous avons grimpé à notre tour le Cap Trinité. La montée et la descente du Cap se sont faites en 3 jours et 2 nuits. Il s’agit de ma plus grande réalisation sportive et nous en sommes très satisfaits.
Merci à Amélie Vertefeuille & Patrick Brouillard de l’école Passion Escalade pour les nombreux conseils et la formation. Merci aussi à Groupe Gamasport pour l’équipement.
Bravo les gars! Prochain défi: Fox Victor India!