Gringalet comme un newbie

Gringalet, 120m, WI4 | Photo: Ian Bergeron

C’était un hiver hâtif. Il avait fait froid en novembre et dès décembre les cascades étaient en conditions. Mon partenaire, Martin, m’avait initié à la glace le printemps précédent et j’avais eu la piqure instantanément. Je m’étais alors précipité pour acheter bottes, crampons et piolets mais la saison s’était aussitôt terminée suite à une hausse rapide du mercure. J’étais donc anxieux d’essayer mes nouveaux jouets et d’aller piocher de la glace.

Marty était un grimpeur téméraire, sans peur ni reproche (mettons). Il m’avait dit « Ian, on va aller faire Gringalet, tu vas voir c’est super beau ». Je connaissais la voie de nom et je savais qu’elle était une classique incontournable, spécialement remarquable lorsque la main se forme. La main est une espèce de parapluie de glace qui se forme par l’accumulation d’eau soufflée par le vent. Un phénomène assez spectaculaire.

Marty dans la première longueur de Gringalet en Décembre 2004 | Photo: Ian Bergeron

Marty dans la première longueur de Gringalet en Décembre 2004 | Photo: Ian Bergeron

Bien qu’il faisait froid, il y avait encore peu de neige au sol, ce qui a grandement aidé à notre marche d’approche. Au pied de la paroi, nous avons levé les yeux et constaté que la voie était en bonne condition. La main était gigantesque à ma plus grande joie. À son habitude, Marty semblait excité et pressé de se lancer dans la voie. On s’est donc dépêché de poser nos crampons et Marty a sorti son attirail de premier de cordée.

« Des pitons? Quessé tu fais avec ça? », lui ai-je demandé.
« Regarde le départ, y’a pas de glace, faut bien que je protège avec quelque chose ».
« Heu, ouin… » ai-je répondu mi-dubitatif, mi-humilié par mon ignorance.

Tel qu’énoncé précédemment, je ne suis alors (et certains diront que je suis encore) un petit novice en matière de glace et de mixte! Martin a tout de même pris 5 secondes pour m’expliquer comment retirer un piton à l’aide d’un mousqueton et d’une longe. J’ai alors compris pourquoi on retrouve tant de ces vieux cossins rouillés encore coincés dans les vois.

au bout de 5 minutes de vargeage acharné, Satan exhausse mon souhait et que le bidule à marde s’extirpe
À une dizaine de mètres du sol: bing, bing, bing, piton! Et hop Marty repart. En deux temps, trois mouvements (ou presque) il est rendu au premier relais. Je pars avec mes Cobra flambant neufs. Malgré mon inexpérience, j’avance tout de même à un bon rythme. Arrivé au piton je tente de le déloger tel qu’expliqué par mon coach lors du mon cours 101 du « Piton pour les nuls ». Os%@ de ci@#$ de taba@$#@$! Je pratique allègrement mon latin d’église quand, au bout de 5 minutes de vargeage acharné, Satan exhausse mon souhait et que le bidule à marde s’extirpe de la roche et m’atterris direct dans le front. Par chance, je porte un casque. Après un signe de croix de circonstance, je poursuis mon chemin jusqu’au relais. Je trouve tout de même que Marty a de bien grosses roubignolles d’avoir leadé cette longueur, ma foi, très mince.
L'auteur au relais | Photo: Martin Favreau

L’auteur au relais | Photo: Martin Favreau

Marty s’élance de nouveau avec l’insouciance d’un golden retriever à la recherche d’un bâton dans une mare d’eau
Le relais est situé sous la main et nous sommes désormais en mesure de constater son ampleur et l’obstacle considérable qu’elle représente. La briser n’est pas une option à moins de vouloir m’envoyer en enfer et faire de même avec la cordée qui nous suit. Marty s’élance de nouveau avec l’insouciance d’un golden retriever à la recherche d’un bâton dans une mare d’eau. Après quelques contorsions, il contourne la barrière de glace et continue sa route vers le sommet. Je me rends compte, par le temps qu’il prend pour compléter la voie, que quelques obstacles se dressent encore sur son chemin.
Marty près de "LA MAIN"! | Photo: Ian Bergeron

Marty près de « LA MAIN »! | Photo: Ian Bergeron

À moi de grimper. La corde est tirée à sec, ce qui me sécurise mais, dès que j’arrive à la main, le manque de mou me restreint grandement dans ma liberté de mouvement. J’ai beau demander du slack à mon partenaire, il n’entend rien à cause du vent. Avec des mouvements peu gracieux, à moins d’aimer la danse poteau, j’ai finalement réussi à contourner l’obstruction. Évidemment, pour la suite de choses, Marty n’avait pas pris le chemin le plus facile. Il avait vu « une belle ligne » vers la droite qui était essentiellement en dry-tooling. Suis un novice, vous vous rappelez ? Ce fut donc un autre apprentissage accéléré, cette fois sur le grafignage de rocher à l’aide de crampon tel un chat dans une litière avec les griffes sorties. S’en est suivie une série de mouvements de genoux très coquets, mais tout aussi douloureux. Indubitablement, le tout accompagné de la machine à coudre des grandes nervosités.

Enfin sorti du pétrin, Martin m’attendait avec un « c’était cool en taba#!$@! »…

Malaaaaaaade! | Photo: Ian Bergeron

Malaaaaaaade! | Photo: Ian Bergeron

1 Comment on "Gringalet comme un newbie"

  1. Hahaha… « Maaalaaaade » comme dirait Milhouse

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