Par Stephan St-Laurent
Sept-Îles, rivière Ste-Marguerite, pilier Simon Proulx, 8 mars 2020.
Je suis un privilégié. Ça fait maintenant plus de 25 ans que je grimpe en glace avec le même partenaire. Nous grimpons de novembre à avril presque à tous les week-ends selon les aléas de la vie et du travail. Nous nous rendons dans ce secteur de la Ste-Marguerite par le biais de la propulsion humaine soit en kayak, en vélo, en raquettes ou en ski la plupart du temps.
Nous n’allons presque jamais ailleurs car les distances sont trop grandes pour nos modes de propulsion. Nous ne prenons jamais de vacances pour aller grimper ailleurs car les vacances, on les garde pour nos familles respectives. Ça rend la conciliation travail-famille-loisir moins difficile.
Avant de devenir mon partenaire d’escalade, Christian était, et est toujours, mon camarade de canot et de kayak. Toujours dans notre région immédiate, nous parcourons des rivières et la mer de façon assez intensive. Ce n’est qu’après être venu me voir grimper le pilier en solo en 1995 qu’il a décidé de se joindre à moi et ainsi devenir mon fidèle second. L’entente est toujours la même: je lead, il seconde. Nous sommes devenus d’une efficacité à toute épreuve!
Je ne pouvais espérer mieux comme partenaire. D’un naturel réservé et respectueux des autres. C’est un père de famille exemplaire qui a toujours mis les siens en premier. Au fil des années, nous avons vu nos familles respectives grandir et traverser les étapes de la vie. Il est devenu mon confident et il m’aide à trouver des solutions quand la vie me donne des épreuves. C’est un stoïque devant l’adversité.
Il est d’une rigueur et d’une fiabilité sans pareil. C’est un sportif de haut niveau. Du judo, au ski de fond en passant par la course à pied et le vélo, le canot ou le kayak, il performe en tout. Il est physiothérapeute de métier et me rappelle souvent la bonne façon de forcer ou de faire travailler mon corps pour m’assurer de ne pas le blesser. Dans son cas, on ne peut pas dire « cordonnier mal chaussé ». Il fait tout le contraire et s’en fait un point d’honneur. Quand il tient ma vie au bout de nos cordes, je sais que je suis en sécurité. Si un problème survient, il sait comment réagir et il fera de son mieux. Nous avons déjà développé une méthode d’auto-sauvetage que j’ai ensuite documenté. Il est du genre à se préparer pour le pire et tout faire pour ne pas s’y rendre.
Dimanche dernier, le 8 mars 2020, nous avons grimpé le pilier Simon-Proulx ensemble pour une N-nième fois. Il venait tout juste d’avoir ses 60 ans. Il a grimpé cela avec aisance et avec une jovialité réservée. Je trouvais cela digne de mention car il me donne espoir en l’avenir. À le voir aller, si on applique sa recette, et que la loterie de la vie nous est favorable, il reste encore plusieurs années de grimpe encore devant nous. Vous riez ?? Vous vous dites, « regardez le vieux crouton ?? » Je vous défie de le suivre. Bien qu’il n’acceptera jamais un tel défi, je peux vous assurer que c’est un dur à cuire. En passant, Simon Proulx, nous l’avons connu. Lui plus que moi. Pour moi, c’était mon prof d’éducation physique, pour lui, un partenaire de courses d’endurance et d’orientation en forets. Simon 41, son fils Christian 18, Alain Potvin 38 et Maurice Grandchamps 29 ont tous péri sur Denali le 31 mai 1992 lors d’une chute de 3000 pieds par mauvaise temps.
Ce n’est pas le plus bavard des moineaux. Il ne parle jamais pour rien dire. Il est calme, sérieux et ferme. Je ne l’ai jamais entendu crier. Je pense même qu’il en est incapable. En revanche, il a un très bon sens de l’humour et il aime à rire. Comme je suis un peu le contraire de tout cela, il rit de mes niaiseries et on a beaucoup de plaisir ensemble.
Je vous souhaite la chance que j’ai d’avoir une personne de cette qualité avec vous pour autant d’années. Beau temps mauvais temps, il est là, fidèle au poste, prêt à toutes les épreuves et à de nouvelles aventures. C’est Christian Briand, mon partenaire de sport, mon ami et mon héro!
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