Influences canadiennes au K2

Dans les glaces, entre le camp de base et le début de l'ascension du K2 | Photo: Ian Bergeron

Par Ian Bergeron

Le récent article sur les navets d’Hollywood m’a remémoré des souvenirs de mes deux voyages au Pakistan. Pour accéder à la région du K2, il faut transiter par Skardu, une petite ville au cœur des montagnes du Karakoram. La vie dans cette région du monde est grandement influencée par les aléas de la météo et par la présence des expéditions étrangères qui stimulent l’économie locale. C’est un peu comme le Canmore du Cachemire. Skardu est donc propice à toutes sortes de rencontres parfois impressionnantes, d’autres fois inusitées.

Skardu dans le Cachemire – genre de Canmore du coin | Photo: Ian Bergeron

Bien qu’en 2004 j’ai fait quelques rencontres intéressantes, c’est davantage en 2006 qu’elles furent mémorables. Le film K2 (de 1992) a été tourné partiellement dans la région, permettant à plusieurs personnalités du coin d’y participer soit en tant que consultant, figurant ou même acteur. Les scènes de montagnes ont quant-à-elles été tournées en Colombie-Britannique, ce qui a permis à ces « notables » de visiter le Canada.

Toujours en 2006, avant de quitter la capitale Islamabad, nous avons été convié, à souper avec Nazir Sabir en compagnie de quelques membres de son agence. Il faut savoir que Nazir Sabir est le premier Pakistanais à avoir atteint le sommet du K2 et il était à l’époque député au parlement du Pakistan. C’est une grande vedette dans son pays et une personne respectée. Lors du souper, ce dernier nous a raconté le tournage du film et sa visite au Canada, comment il a apprécié notre beau et grand pays. Il est demeuré avare de détails, sinon que les scènes de tempête de neige ont été tournée, avec des patates en poudre en guise de flocons de neige.

Nazir Sabir lors de notre repas à Islamabad en 2006 | Photo: Ian Bergeron

Plus tard, rendu à Skardu, j’ai croisé plusieurs autres Baltis qui ont aussi participé au film dont Little Karim, un porteur d’altitude ayant atteint les sommets du Gasherbrum II (8035m) et du Broad Peak (8051m). Un joyeux luron qui aimait bien rigoler. Il m’a également raconté avoir visité la région de Vancouver avec un grand guide canadien, dont il a oublié le nom. La vie se chargea de me révéler de qui il s’agit, quelques années plus tard.

Little Karim – un homme de petite stature mais ayant fait de grandes ascensions | Photo: Dawn.com

À mon retour du K2, toujours à Skardu, je m’étais rendu à l’aéroport local afin de prendre mon probable vol de retour. Probable, car il faut savoir que les avions ne volent que par beau temps dans le Karakoram. Je me suis donc pointé à l’enregistrement avec mes 3 gros sacs d’expédition. J’avais clairement un excès de bagages. Le jeune militaire sur place m’a dit que je devais débourser près de 200$ pour mes sacs. Évidemment j’ai obtempéré, j’ai laissé mes sacs et je suis allé m’assoir afin d’attendre l’avion. Un haut gradé m’a aperçu et m’a demandé mon passeport. Je me suis demandé ce que j’avais bien pu faire de mal… Il avait l’air sérieux, suspicieux et peu commode. Comme beaucoup de militaires dans ce coin du monde.

« Ah! Canada! come with me! »

Bon, je suis dans trouble ! Il m’a fait entrer dans son bureau, m’a offert du thé et il m’a dit :
« My name is Captain Jehan, you know I have been to Canada « !

« Really”? ai-je répondu mi-figue, mi-raisin. »

« Yes for the filming of the movie K2… »

« Ah yes… » quelle surprise, un autre ! Voilà venir l’anecdote des patates en poudre me suis-je dit.

Finalement non, on a simplement conversé sur le film, le beau et grand Canada, Vancouver et ses « charmes » et de Jacques Olek. Visiblement, il tenait M. Olek en haute estime, tout comme les mystérieux charmes de Vancouver. À la fin de la conversation, le capitaine Jehan m’a demandé où étaient mes bagages. Il est ensuite allé voir l’officier qui m’avait chargé mon excès de bagages et il est revenu avec mes 200$.

« Here, have a good meal in Islamabad, you need it! » J’étais effectivement devenu maigrichon après 6 semaines dans les montagnes.

« Oh, thank-you so much captain, you’re soooo kind! » je me suis empressé de reprendre mon argent et de lui refiler 20$ pour sa gentillesse!

Quelques années plus tard, un grand alpiniste canadien, devenu guide, était de passage à Montréal pour y donner une conférence à l’invitation de l’ACC et du club de montagne de McGill. J’ai eu le privilège de faire une interview avec lui, pour EscaladeQuebec. Après sa conférence, on m’a invité à me joindre au groupe et aller prendre un verre. Bubba (son surnom) et moi avons parlé du Pakistan et, le scotch aidant, les langues se sont déliées :

« Ah oui, j’ai rencontré plusieurs personnes que tu dois connaitre là-bas : Nazir Sabir, Little Karim, un certain capitaine Jehan, lui ai-je dit. »

« Oh que ça me rappelle de bons souvenirs ! Tout ce beau monde-là n’était jamais sorti du Pakistan. À leur arrivé ici, ils avaient les yeux gros comme ça! »

« Ah ah, j’imagine… »

« On sortait tous les soirs. Ils n’avaient pratiquement jamais pris d’alcool… c’était hilarant! Après 1 bière, ils étaient ivres! »

« Je commence à comprendre pourquoi ils ont tous tant aimé notre beau grand pays« !

« Attends, un soir on est allé au resto et on a commandé pour eux. Ils capotaient sur leur plat, comment il était savoureux… jusqu’à ce qu’on leur dise que c’était du porc! Ahahahah »

« Pas vrai ! Ils t’en ont voulu ? »

« Pas du tout ! Tellement qu’un autre soir on les a sortis dans un bar… de danseuses. T’aurais dû voir leurs yeux ! Immenses ! Ça valait 1 million de dollars ! »

Le conférencier « Bubba » venu à Montréal, que nous garderons anonyme pour préserver sa réputation | Photo: Ian Bergeron

C’est à ce moment que j’ai compris les mystérieux charmes de Vancouver et comment le Canada était le plus beau pays du monde… surtout tout nu!

Aujourd’hui Little Karim (Mohammed Karim) est décédé d’une hépatite. Nazir Sabir est reconnu mondialement pour ses conférences, notamment sous la férule de l’Aga Khan (que notre Premier Ministre connait bien) et je n’ai aucune nouvelle du capitaine Jehan.

Bande annonce du film K2

Little Karim le documentaire

2 Comments on "Influences canadiennes au K2"

  1. Bonjour
    Le navet K2 ne mérité aucuns commentaires, sinon le mépris d’avoir caricaturé cette merveilleuse région et ses habitants. J’ai rencontré des porteurs sur place qui en retiennent encore de l’amertume. Film déplorable.

    En revanche Little Karim mérite quant à lui tous les éloges. C’est lui qui a porté à près de 8000m les 35 kilos de l’aile delta de Jean Marc Boivin au K2. A cette occasion JM Boivin a été titré sportif le plus courageux de l’année 1979, rien que ça! (« International Award of value » à Londres) mais qu’aurait-il eu comme « courage » sans la force de Karim pour l’épauler à près de 8000m?

    Little Karim un grand monsieur!

  2. Bien d’accord avec vous, sur tous les points!

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