KLONDIKE (WI6R, 220 mètres IV): Une Chèvre, une Marmotte et un Blaireau prospecteurs de glace
Texte et photos: Yan Mongrain (dit Le Blaireau)
«La rivière Klondike sillonne un territoire isolé de l’ouest du Yukon. Rendu célèbre à la suite de la découverte d’or en 1896, cette dernière attira plusieurs prospecteurs en quête de richesse au cours de la courte période de « la ruée vers l’or du Klondike » qui n’aura duré que 3 ans. Un trajet inhospitalier à travers un territoire difficile et reculé ainsi que le climat nordique ont découragé plusieurs prospecteurs avant même d’arriver à destination. Seulement les plus déterminés y sont parvenus pour fouiller le sable aurifère du lit de la rivière Klondike et encore moins ont eu la chance de trouver le métal précieux.»

« CHARLES… SPIIIIINNNNDRIFT »… heu, trop tard! Et pouf sur la tronche! | Photos: Yan Mongrain
L’analogie entre le prospecteur d’or et le prospecteur de cascade de glace est particulièrement intéressante. Les deux sont habités par ce désir insatiable de trouver l’introuvable. Un brin de folie et de vision habite le prospecteur qui est prêt à explorer le territoire à la recherche du bon filon avec seulement des bribes d’indice telles qu’une rumeur, une vielle photo ou tout simplement le hasard. La majorité du temps, ces quêtes se soldent par un combat perdu d’avance contre les redoutables épinettes québécoises. L’expérience n’en demeure pas moins riche en aventure et telle une dépendance inavouée, la prochaine fois sera certainement la bonne. Dans l’échec se trouve la réussite.
J’ai souvent l’impression en consultant le livre-guide des Cascades de glace du Québec de Stéphane Lapierre que toutes les voies répertoriées ont déjà été grimpé par les générations précédentes. C’est vrai que les cascades plus faciles d’accès ont pour la plupart déjà été grimpées mais en revanche, il existe encore une multitude de parois vierges qui n’attendent qu’à être visitées. Celles-ci font partie de deux catégories distinctes : soit que les cascades sont isolées et difficiles d’accès ou bien qu’elles se formes de façon éphémère. Le caractère aléatoire de la formation des voies de glace est justement ce qui rend cette discipline de l’escalade aussi intéressante. Avec le réseau hydrographique qui caractérise le territoire québécois et les aléas de la météo, Dame Nature nous offre à chaque saison hivernale de beaux filons de glace qui n’attendent qu’à être explorés.

Charles, qui ne semble pas trop ébranlé par sa douche de neige.
J’ai la chance de partager ma corde avec La Marmotte (aka JP Bélanger) et La Chèvre (aka Charles Roberge), deux prospecteurs de cascade de glace des temps modernes. Armé de leur machine à glisser sur la neige, ils sillonnent chaque hiver l’immense territoire de la Côte-Nord à la recherche de nouveau chemin de gel. Leur pèlerinage annuel dans ce terrain d’aventure est souvent ponctué de premières ascensions inspirantes et isolées. Je me fais parfois prendre à les accompagner dans des plans douteux. Leur enthousiasme est contagieux et bien malgré moi, je crois que j’ai attrapé leur maladie.

Le Blaireau dans la 2e longueur

La Mamotte dans la 3e longueur (WI6)
Plus près de chez-nous, en 2017, alors que La Chèvre visitait le magnifique parc national des Hautes-gorges-de-la-rivière-Malbaie, il remarqua un mince filon de glace perché très haut sur la rive ouest de la rivière à même le massif de la Pomme d’or. Cette cascade éphémère n’était pas encore mûre pour la récolte mais nourrit par le fait même sa fibre de prospecteur. Dame Nature allait certainement assouvir La Chèvre un jour ou l’autre avec le bon cocktail météorologique. C’est ici que commence notre histoire puisque 3 ans plus tard, soit le 24 décembre 2020, le mercure affiche 12 degrés Celsius et la pluie tombe, beaucoup de pluie. C’est évidemment la catastrophe à court terme pour les cascades de glace, mais cette quantité d’eau record allait probablement donner de belles surprises à moyen terme, lorsque le froid allait être de retour. Je n’avais pas d’argument pour refuser une invitation d’aller voir ce filon de plus près…juste pour voir…puisque la folie, c’est plus rigolo de la vivre entre amis.

La Chèvre qui s’amuse comme un fou dans la 4e longueur.

La Marmotte dans la 5e longueur, enfin de la bonne glace.
Voici un bref descriptif de la voie Klondike
Approche : se trouve 300m à droite de Pomodoro. Nous avons fait l’approche de Pomodoro et ensuite, longer la paroi vers la droite (nord) et passer sous un éperon. Après avoir tourné le coin, vue saisissante sur cette cascade qui se situe dans un grand et austère amphithéâtre, directement au-dessus d’un long pierrier.
Voie soutenue de glace mince dans son ensemble avec quelques sections de glace épaisse. Prévoir beaucoup de vis courtes. Progresser prudemment puisque les grimpeurs aux relais ne sont pas protégés de la glace qui tombe.
P1 – WI5R (50m) – Mince couche de glace pour les premiers 10 mètres. Passer un ressaut technique en chandelle. Éviter le spindrift si possible.
P2 – WI3+ (35m) – Grimper jusqu’à la base d’une colonne.
P3 – WI6R (35m) – Suivre les pépites de glace jusqu’à une deuxième colonne déversante en chandelle.
P4 – WI4+ (40m) – Glace en lamelle avec une section verticale.
P5 – WI4 (40m) – Glace plus épaisse. Longueur agréable pour finir la voie en beauté.

Les trois prospecteurs après leur filon: Le Blaireau, La Chèvre et La Marmotte.

Photo: Arnaud Messier-Maynard
Belle trouvaille!! Bravo les gars