Le Festiglace enfin de retour!

François Marcotte pendant L'Enduro | Photo: Nelson Rioux

Par Benoît Dubois

Il y a dix ans, lorsque nous avions appris que le Festiglace ne reviendrait plus, c’est comme si nous avions perdu un ami. Notre petite communauté était en deuil. Ça n’était pas possible! Tout y était pourtant: l’esthétisme des voies et du site, les forts grimpeurs de partout, les sourires authentiques, les bénévoles dévoués, les conférences, le party du samedi. Dans les mois qui suivirent, il y eut une tentative pour ressusciter l’événement mais le constat était que les gens préféraient y participer que l’organiser. Une tâche colossale attendait l’équipe qui oserait tenter de remettre sur pieds le Festiglace.

On est en novembre, j’entends des rumeurs que le Festiglace va renaître. Je suis fébrile. Puis, il y a cette vidéo de relance où mon vieux pot de plantation d’arbres Dany Julien s’exprime sur la profondeur de sa passion pour le site d’escalade de Pont-Rouge et son désir implacable de faire revivre le Festiglace. Ça vient me chercher solidement. Cumulant des dizaines de sorties à Pont-Rouge et deux participations comme compétiteur à cet événement d’escalade de glace qui jadis était le plus grand rassemblement de grimpeurs en Amérique, je ne pense qu’à une chose: m’impliquer pour aider à faire vivre aux grimpeurs et spectateurs toute l’extase que j’ai vécue à l’époque! L’équipe d’organisateurs du Festiglace 2020 dont on doit beaucoup de respect est formée de Dany Julien, Ludwig Dumetz et Véronique Parke-Bédard, ainsi que la gang de photographes et cinéastes de Type2fun.

Photo: Studio Horatio

J’irai d’abord constater l’ampleur du travail à accomplir sur place au début janvier en ouvrant / ré-équipant des voies pour la compétition « Enduro ». Il y a une dizaine de voies à préparer du côté nord, même chose du côté sud, en plus de la voie d’exhibition du dimanche. A priori, étant donné que la compétition a eu lieu dans le passé, ré-équiper les voies ne devrait pas être une tâche si ardue. Mais il en est tout autre. La qualité du rocher à Pont-Rouge laisse un peu à désirer. On aperçoit des ancrages rouillés ou manquants. Des pans de murs ont dû s’écrouler au fil des étés. Heureusement, le gel tient tout en place l’hiver. Il y a aussi les glaçons qui ne se forment pas de la même façon d’une année à l’autre. Pour préparer les voies, il ne suffit pas de clipper des dégaines. Il faut tout vérifier pour s’assurer de la sécurité des grimpeurs. Plus de 200 ancrages de cinq pouces de profondeur sont ainsi ajoutés aux voies existantes et pour en ouvrir de nouvelles. Damien Côté, D’zaô Plamondon, Jeff Girard, Carl Darveau, Dany Julien, Fred Maltais, François Bédard et moi-même cumulons ainsi des centaines d’heures pendus dans nos harnais à poser des ancrages et purger le rocher. La semaine précédant le Festiglace, pas moins de 280 dégaines sont installées dans les voies, grâce notamment à une commandite de 200 dégaines de la part de Mammut. Mais il en manque considérablement. Nous devons combler le manque avec notre équipement personnel. Les relais sont doublement sécurisés aux arbres plus haut avec des cordes. Des dizaines de moulinettes sont installées pour les cliniques. La quantité de matériel d’escalade est phénoménale ! Et à tout ça s’ajoute les équipements de l’événement au sol! Les clôtures, bottes de foin, emplacement de feu, kiosques, caisses de son, génératrices, etc. Les motoneiges feront des aller-retours sans arrêt pour acheminer le matériel. Une armée de 70 bénévoles vient en aide au bon déroulement des activités.

Arrive enfin le vendredi, début des activités officielles du Festiglace. Les grimpeurs se pratiquent et nous aident à poser les dégaines dans les dernières voies. Je m’occupe d’ouvrir la voie d’exhibition du dimanche. J’ai le privilège de passer deux jours en compagnie du très sympathique François Bédard, qui m’a aidé dans ce projet de fou. J’avais réservé le plus gros amoncellement de glace du site dans l’optique de créer un escalier inversé de toits de glace sur 25 mètres. Nous passons le vendredi au complet à juste casser de la glace à la hache, au piolet, à coups de pieds et à la scie mécanique, Note à moi-même, l’an prochain, faire tomber les glaçons au fusil pour sauver une journée de travail très éreintant!

Marcus Garcia dans la voie de finale | Photo: R. Mardens

Samedi, 7h30, je suis déjà dans mon harnais. François me rejoint assez vite et nous réussissons à terminer la préparation de la voie en même temps que la fin de la compétition d’enduro, vers 16h. Ce sera toute une voie avec 7 toits de glace. De loin la voie la plus difficile de l’histoire de Pont-Rouge. Complètement épuisé après deux jours de travaux sur corde dans le vide, je décide tout de même d’essayer la voie, mais ça ne passe pas dans le gros toit! Oups! Je n’ai pas grimpé de l’hiver et de moins en moins depuis 2010, où je suis déménagé dans Charlevoix. Je commence à angoisser sur la faisabilité de la voie. Je me dis que demain est un autre jour et que je serai plus en mesure de valider le tout. De retour à la salle de conférences, les grimpeurs sont épuisés mais comblés! Plusieurs estiment que l’Enduro est la formule de compétition d’escalade de glace / mixte la plus enivrante sur terre! En effet, il n’y a qu’au Festiglace que l’on peut grimper toute la journée dans des voies pré-équipées. Il s’agit de grimper 1h30 de chaque côté de la rivière (3h total) pour accumuler le maximum de points. Plus une voie est dure, plus elle est payante. On s’enfile une bonne bouffe calorique aux « Food Trucks », puis on revoit des amis de longue date, des anciens compétiteurs, des anciens organisateurs, des nouveaux visages heureux. L’ambiance est à la jasette et aux retrouvailles et malheureusement pour les conférenciers et certains spectateurs, ils ont de la difficulté à avoir le silence de l’arrière de la salle! On enchaîne avec le concours de tractions deux par deux où la motivation est à son comble! Cédric Gaudry remporte la corde Sterling avec 22 tractions. Je ne peux m’empêcher de festoyer en bonne compagnie jusqu’à ce que la DJ arrête la musique. Je regarde ma montre pour la première fois de la soirée: il est 2h du matin!

On est dimanche, le réveille-matin sonne. Je somnole. Après deux « flash réveils », c’est l’heure, sinon je vais vraiment passer tout droit! L’anxiété revient au poste et je dois trouver une solution. Dans le stationnement, j’aperçois David Bouffard, un grimpeur de Québec qui a beaucoup d’expérience en Coupe du monde. Par malchance, il n’a tout juste pas réussi à se qualifier pour la voie d’exhibition. J’en profite donc pour l’inviter à valider la voie et du même coup pour lui proposer de faire une démo au début de la compétition. Enchanté de pouvoir grimper cette voie, il la gravit non sans efforts mais estime que les grimpeurs présents sont très forts. Donc le niveau est pile dans le mile! L’anxiété retombe aussi vite qu’une feuille de plomb. Je vais aider Damien pour la compette de vitesse. Les piolets sont différents. Ils sont ultralégers, en stainless, avec une seule pointe on ne peut plus pointue, voire dangereuse. Il arrive parfois qu’un piolet déchire la glace et finisse sa course dans la chair! Les crampons sont munis de deux dents triangulaires à l’avant, comme les crampons de marche alpine, afin de maximiser ses chances de contact avec la glace, sans avoir à regarder en bas. Les grimpeurs sont rapides. Ils grimpent le Tube en 20 secondes, 15, 12, puis David remporte la victoire en un temps incroyable de 10 secondes!

Benoit Dubois et François Bédard dans la préparation de la voie de finale | Photo: Studio Horatio

Après diner, Les compétiteurs regardent attentivement la démo de David dans la voie d’exhibition. Il l’enchaîne en effectuant une succession étourdissante de « figure en 4 » et « figure en 9 ». Le premier finaliste à s’élancer est Émile Couture-Michaud, le gagnant de la compétition amateur. Contre toute attente, il fait plus que bonne figure et se rend jusqu’au dernier gros toit, y laissant un piolet irrécupérable qui deviendra une prise officielle après que Marianne Van Der Steen l’eut utilisé dans un style léger, en camisole s’il-vous-plaît! Elle est la première à enchaîner la voie et terminera 4e. Le spectacle est mémorable. Les grimpeurs tombent un peu partout. La voie est parsemée de passages clés mais avec quelques repos également. La pompe est royale! Le sourire des grimpeurs à leur retour au sol en dit long! Ça c’est mon salaire en tant qu’ouvreur! Nathan Kutcher, qui a représenté le Canada aux Jeux de Sotchi, progresse tout en finesse dans un style démontrant une facilité déconcertante. À la sortie du gros toit, il échappe un piolet! Deux options s’offrent à lui: dégrimper le toit pour récupérer le piolet à Émile ou poursuivre avec un seul outil. Il opte pour continuer et la foule est en délire! À chaque mouvement réussi, les gens crient plus fort. Ça donne des ailes à Nathan qui réussit à grimper les 8 derniers mètres, dont deux petits toits! Il finira 3e. (À voir sur You Tube via Nathan Kutcher Festiglace Finals Route 2020). D’zaô Plammondon se surprend et soulève la foule en étant le seul Québécois à enchaîner la voie dans un combat de 18 minutes. C’est émouvant. Je jette un regard à Carl Darveau et je ne suis pas le seul à avoir les yeux pleins d’eau. Nous sommes tellement fiers pour lui. Il terminera 5e. Le grand et flamboyant Dennis Van Hoek de la Hollande fera encore un peu plus vite à l’aide de ses leggings roses de course pour se tailler la 2e place en sortant la voie avec un temps de 10 minutes. Le gagnant de l’Enduro Pack (Pierre-Alexandre Keller) remet ça avec la voie de finale. Avec un sprint sportif démontrant une forme d’escalade irréprochable dont on ne peut être que jaloux, le Français se débarrasse de cette voie monstrueusement déversante en seulement 7 minutes! Je l’entends encore me dire avant de partir: « S’ra pas long! » avec un grand sourire confiant!

Jérôme St-Michel dans l’enduro | Photo: Nelson Rioux

Un dernier souper en compagnie des bénévoles et compétiteurs au Moulin Marcoux, parsemée des conférences de Sam Baugey / Manu Pelissier en Antarctique ainsi que Marcus Garcia et son film « The Mentor » nous laisse comblés mais Oh combien fatigués. Je vois Damien qui a tout donné, assistant corporellement aux conférences mais les yeux bien fermés et dont la tête heurte fréquemment une poutre tellement il s’endort. Moi et Nathalie Fortin ne pouvons-nous empêcher de rire d’empathie! Les compétiteurs aussi sont heureux de leur fin de semaine bien remplie et plusieurs nous disent « À l’année prochaine! » Vous venez de lire mon expérience du Festiglace, vécue en tant qu’ouvreur. Mais il y a aussi l’expérience des spectateurs, des gens qui assistent aux cliniques, des juges, des autres bénévoles, des compétiteurs, des grimpeurs qui viennent juste pour grimper dans le « mood » du Festiglace, des représentants à leur kiosque. Allez, à vous de choisir votre expérience et on se dit « À l’année prochaine! »

festiglace.org

Facebook: Festiglace de Pont-Rouge

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