Leçons d’un newby en Patagonie

Par Adam Boulianne

En septembre dernier, après la meilleure saison de ma vie à grimper à Yosemite, à Canmore, aux Bugs et surtout à Squamish, j’étais bien assis au Zephyr Café à me demander ce que je devais faire pour garder le momentum.

Descendre à Moab pour un printemps de splitters et de gobi sur le dos des mains?

Mais, sans voiture, ce serait difficile d’aller me perdre dans le désert.
Retourner à Yosemite? Ce serait la meilleure option, mais avec 128$ dans les poches, ce serait stupide de prendre la route. J’aime dirtbagger, mais j’aime aussi bien manger!

Fine, je retourne au Québec pour offrir une «preuve de vie» à mes parents et grimper du plastique jusqu’à ce que la glace se forme. En plus, ça va surement me faire du bien de dormir dans un lit après six mois dans une tente.

C’est décidé, je booke l’avion Vancouver-Montréal pour la fin octobre.

Avec de la chance, la pluie s’arrêtera au moins une journée d’ici mon départ et j’vais pouvoir réessayer mon projet dans les Bugs. Mais, en attendant le soleil, je reçois un texto de mon ami, mentor et all around hardman Tamàs qui me dit qu’il ira passer six ou sept semaines à El Chaltèn, en Argentine cet hiver. Eille, ça fait deux ans que j’ai une photo de Cerro Torre sur mon cell’. Il serait à peu près temps que j’y aille. C’était l’occasion parfaite!

Leçon 1 — Achète le billet et le reste va suivre (du moins, ça devrait)

À peine de retour à Montréal depuis quelques semaines, je fais mes sacs et je décolle. L’itinéraire est simple: un bus Ottawa-Toronto, un vol Toronto-Miami et un autre Miami-Buenos Aires. En 24 heures, je mettais les pieds en Argentine.

Je passe quelques jours dans la capitale argentine où je retrouve un vieil ami. Après avoir goûté aux joies de la mégapole, je prends un autre avion pour El Calafate, et finalement, un dernier bus pour El Chaltèn. Enfin, j’peux aller grimper!

Arête Guillaumet | Photo: Adam Boulianne

Leçon 2 — Patience (et apprendre à lire les prévisions de la météo)

Ma première sortie en Patagonie fut la première fois où j’ai vraiment eu peur en montagne. La deuxième fois, ce fut à ma deuxième sortie. Il ne faut vraiment pas jouer au con avec les conditions de la météo ici. Les vents sont tellement violents qu’on devait s’étendre au sol avant de pouvoir continuer à marcher.

J’me disais: ça, c’est du character building! Ça va faire pousser ton poil de «chest» plus vite que trois shooter d’Absinthe, c’est certain.

Pente du sommet | Photo: Adam Boulianne

Leçon 3 — Arrive humble, ou soit prêt à avaler six grosses portions d’humilité

Juste avant le nouvel An, la première vraie fenêtre météo est apparue et, évidemment, dans ma grande sagesse du haut de mes 23 ans, j’ai convaincu Tamàs d’essayer le Care Bear Traverse. Un link-up qui inclut Aguja Guillaumet, Aguja Mermoz et, pour finir en beauté, la face nord de Cerro Chaltèn (Fitzroy).

T’sais, c’est juste deux fois El Cap, en bottes, avec un sac sur le dos. Raisonnable. Tranquille même !

Tout ça a bien commencé. On a marché les huit heures de l’approche en pleine nuit. Un petit bivy de quelques heures et on a amorcé le Guillot-Conquegniot (300m, 70˚, M4, 5.9) sur Aguja Guillaumet, qu’on a fini en deux longueurs, plus ou moins 3h30 shrund-sommet. Malgré ça, l’ascension a eu ses bémols : Tamàs a échappé sa lampe frontale au début du couloir et une fois sur la roche, il faisait tellement froid qu’il n’était plus questions de porter des chaussons d’escalade.

La météo aléatoire de la Patagonie | Photo: Adam Boulianne

Leçon 4 — Apprend à grimper du granite en bottes

Rendu au sommet, on s’est arrêté pour évaluer l’étape suivante et manger un petit quelque chose. On a vite réalisé qu’on n’avait pas apporté assez de nourriture pour couvrir autant de terrain. Après une courte discussion, on a décidé de redescendre. Je regrette de ne pas avoir été plus tough, mais bon. Ce sera pour la prochaine fois. Et je peux dire que je suis un meilleur grimpeur après cette expérience-là.

Leçon 5 — Ce n’est pas le Pakistan, mais ce ne sont pas les Bugs non plus

L’échelle de grandeur en Patagonie me fait encore rêver. Tout est plus gros, plus difficile et plus complexe que tout ce que j’ai fait avant. Même pour grimper une des voies les plus facile de la chaîne, j’ai dû puiser dans tout ce que j’avais pour me rendre au sommet en un temps raisonnable. J’ai énormément de gratitude pour ceux qui m’ont aidé et supporté pendant ce voyage. Et aussi pour mon partenaire qui m’a montré, dans son anglais cassé, ce qu’est le vrai alpinisme.

En Argentine, on m’a dit que tout le monde ou presque (j’te check Honnold!) doit passer par cette étape où tu te fais simplement botter le cul par les montagnes avant de pouvoir faire quoi que ce soit ici. C’est seulement après avoir senti le vent, après avoir eu à descendre d’une voie parce qu’une tempête se levait, ou même te taper toute la marche d’approche et retourner en ville parce que les risques d’avalanche sont trop élevés, c’est seulement à ce moment-là que tu sauras à quoi t’attendre et tu pourras progresser. Et ça, ça prend du temps.

Leçon 6. Achète le prochain billet d’avion

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