Texte: Carl Darveau
Photos: Nelson Rioux
Il y belle lurette, lors de mes débuts en glace, je regardais les athlètes à l’œuvre lors du Festiglace de Pont-Rouge. Les yeux scintillants, je me disais: « Wow! Ils sont malades! ». Une petite voix dans ma tête me disait que ce genre de performance et ce niveau d’engagement n’étaient pas à ma portées.
Lors de la première ascension de la ligne In The Shadow (M7, WI6), je me suis rappelé ces pensées. Il va sans dire que j’étais vraiment fier. J’ai poussé un cri de joie tellement fort quand j’ai clippé le relais que les chevreuils tout près ont probablement relâché quelques boulettes de frayeur.
Pont-Rouge est un site particulier et impossible à décrire en un seul mot. En gros, on peut dire qu’il est composé de strates de roche retenues par la peur. La roche aime te tomber au visage, mais encore plus dans le chandail afin de bien tapisser ton plancher quand tu te déshabilles. Les habitués savent de quoi je parle ! Alors, pourquoi y grimper ?
Dans mon cas, c’est tellement près de chez moi que je n’ai même pas le temps de boire un café en route. De plus, j’ai un attachement particulier pour ce site, car il renferme tant de bons souvenirs : mes premières grimpes, mes premières expériences de festival avec fins de soirée olé olé, ma première rencontre de Guy Lacelle avec qui j’ai eu le privilège de partager une cordée (le seconder et devoir me concentrer très fort pour ne pas … dans mes culottes tellement j’avais peur de grimper) et tant d’autres bons souvenirs.
Aussi, même si cet endroit nécessite plus de vigilance due aux possibles chutes de pierres et de glace, je considère que c’est un des meilleurs endroits pour s’entraîner. On prend confiance en ses mouvements et en ses placements de piolets, car la roche est de mauvaise qualité et peut décrocher à tout moment. De plus, les cascades sont soutenues et d’une qualité de glace exceptionnelle.
Cette année, un regain d’intérêt a amené plusieurs grimpeurs à venir y taquiner le galet. Des gens extraordinaires ont investi beaucoup de temps afin de rééquiper plusieurs voies et même en ouvrir de nouvelles.

Dany Julien
Entre autre Dany Julien , avec qui j’ai fait mes premiers pas en escalade sur ce site, a eu un hiver de travail déchaîné. Il a ré-équipé et ouvert 5 voies dont une qui est magnifique et deviendra certainement une classique : Tree of Life. Dans une même ligne d’idées, Damien Coté, D’zaô Plamondon et Jeff Girard ont indubitablement reçu leur doctorat de nettoyeur tant ils ont passé du temps sur la paroi à rendre les voies propres afin d’effectuer leurs nombreuses ascensions. Il faut croire que les gars aiment ça avoir les bobettes pleines de roches…
Et là, je ne parle que du travail acharné des personnes que je côtoie, mes amis, que j’ai vu à l’oeuvre. D’autres grimpeurs motivés ont aussi contribué à la « renaissance » de Pont-Rouge cet hiver en ajoutant eux aussi de nouvelles voies, Stas Beskin par exemple.
Pendant la saison, j’ai travaillé sur plusieurs lignes. Mon ami, Jean-Philippe Nadeau a été pas mal patient dans l’assurage. J’ai équipé au total six voies, 4 nouvelles et deux déjà existantes. Jeff et D’zao ont fait la première ascension de trois et moi de la quatrième. Ne leurs dites surtout pas, mais je me suis gardé la plus belle!

D’zaô Plamondon en action
J’ai débuté la journée en équipant la ligne depuis le sol. La première bolt s’est placée relativement bien, malgré l’attaque d’un drone sanguinaire qui m’a presque coupé les doigts. L’opérateur a eu quelques difficultés techniques avec son pilotage et son engin a percuté la paroi à un pied de ma tête. Ne vous inquiétez pas, le drone est en bonne santé et les images sont des plus « drones » à visionner ! Lors de la pose de la deuxième bolt, j’ai réalisé qu’il y avait une grosse différence entre les bolts auxquelles je suis habitué et les «power bolts ». Il est impossible d’effectuer le placement de ces dernières à une seule main. Donc, de peine et de misère, j’ai placé celle-ci afin de pouvoir redescendre. J’ai fini d’équiper la ligne le lendemain !
Le jour venu, au pied de la voie, j’ai ressenti un léger stress, mais je me sentais confiant. Je me suis lancé et la concentration m’a placé dans une zone de confort qui est difficile à expliquer. Je crois enfin avoir trouvé la switch « crainte, doute et inconfort » et l’avoir mise à off. Le départ s’est fait sur un mince rideau de glace très délicat, suivi d’une traverse vers la gauche qui nécessite l’utilisation des mains. Ensuite, face à un dièdre, quelques mouvements nous placent en déséquilibre nous menant à la fameuse pointe de roche. Nous l’avons surnommé le Bras Canadien. C’est la section clé à passer et il est possible pour les cowboys de la chevaucher. Le reste de la voie est vraiment magnifique avec des pontages et un beau petit toit de glace. La protection en glace est, par contre, un peu marginale.
En fin de journée, Damien, qui m’assurait, m’a raconté des blagues qui ont ajouté encore plus de magie à la journée. J’ai eu le privilège d’avoir Nelson Rioux comme photographe afin de capter ce moment. Il s’était joint à nous afin de profiter de la grimpe mais n’a pu s’empêcher de sortir son appareil, sourire au visage. Notez que Nelson exposera plusieurs de ses photos le 1 avril 2019 au Délire sur Pierre-Bertrand.
Merci à tout ceux qui m’encouragent et me supportent dans mes projets parfois un peu fous.
Merci et bravo pour les ajouts….y’a comme un vent qui annonce le retour du Festiglace ?!….et c’est tant mieux!
Puis oui une Powerbolt peut s’installer à une main😉