Les Clandestins – Tous les détails

La nouvelle voie Les Clandestins (5.10+, 200m, C2) | Photo: Patrick Brouillard

En juin 2017, Patrick Brouillard et Charles Lacroix ont ouvert Les Clandestins (200m, 5.11, C2) sur le mont de l’Équerre dans les Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. Cet article relate leur aventure et décrit la voie.

Par Patrick Brouillard et Charles Lacroix

La falaise de l’Équerre située dans le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie est sans aucun doute l’une de nos plus grandioses et sauvages falaises québécoises. Perché haut sur la rive ouest de la rivière Malbaie, ce mastodonte de granit peut atteindre jusqu’à 350m. Il représente l’un des plus grands défis verticaux de la Belle Province. L’Équerre est devenue célèbre parce qu’elle accueille certaines des plus grandes voies de glace de l’Est du continent – La Loutre, La Pomme d’Or et La Ruée vers l’Or. Or, l’Équerre n’arbore qu’un minimum d’itinéraires de rocher. Quelques voies ont été ouvertes dans les années 70, lesquelles ne comptent que très peu de répétitions à ce jour. Cascade 74 et Redcoats Resurrection en font partie.

Il s’est écoulé près de quarante ans avant qu’une nouvelle ligne y soit tracée. Il y a eu Renaissance que j’ai eu la chance d’ouvrir avec mon ami Hugo en 2015. Il faut rappeler que l’escalade est très engagée sur ce cran. Même les voies les plus faciles demandent un engagement total. Le rocher est généralement fermé et les protections y sont minimalistes. Par ailleurs, le rocher le plus franc se terre souvent sous une épaisseur de rochers lousses empilés précairement ou même accrochés au milieu d’un toit. Il va de soi que le niveau de danger est élevé et cela peut transformer un pitch de 5.7 en un horrible cauchemar tant pour le grimpeur que pour l’assureur ! Beaucoup de temps passé en no-fall zone, à éviter les pièges et à douter de toutes les prises, permet finalement de progresser.

Comme si c’était pas assez, vu sa position reculée, la falaise ne se laisse pas atteindre si facilement. Après avoir traversé la rivière, on monte dans la forêt très dense en suivant les traces des éboulis en direction du grand pierrier. Ce pierrier est diabolique. On pourrait dire qu’il est vivant et affamé. Sans doute a cause de l’effondrement assez régulier de rochers aux dimensions colossales, les pierres rondes n’arrivent pas à se placer. Au final, le pierrier reste toujours très instable. Malgré cela, on doit porter nos 70L d’équipement et de nourriture au-travers de celui-ci. Rendu au pierrier, on vise la très grosse roche plate qui se trouve en son tiers inférieur. De celle ci, la vue sur la falaise et la vallée est grandiose. Puis, de là, on se rend au bout du pierrier principal et on coupe vers la droite afin de traverser deux autres concentrations de pierres écroulées pour se rendre à un nez, un immense éperon qui rappelle la base du « Nose » sur El Capitan. Encore un petit effort et en rien de temps on est rendu au point le plus haut à la base des Clandestins.

De loin la voie semble plutôt malade. Après l’avoir scrutée à la loupe pendant de longues années, je suis parvenu à m’imaginer le scénario suivant : une section de 20m, un dièdre facile, un toit, un peu de face climbing, un autre toit, un dièdre qui semble fermé, encore un autre toit suivi d’un ledge, puis une autre craque, un dièdre et une super vire et puis encore un peu de craque. Avec tout ma détermination, j’ai réussi à convaincre Charles avec ma théorie qui une fois mise en pratique allait devenir une toute autre histoire.

Commençons par le commencement. Assis à une table à pique-nique, Charles Lacroix et moi faisons le plein de calories en attendant le passage du bateau-mouche de la SÉPAQ. Au sol, déjà chargé et prêt à partir, se trouve un canot rouge. Idéalement, celui-ci nous mènera de l’autre coté de la rivière Malbaie. Pour passer le temps, nous discutons avec un couple d’amateurs de plein-air qui sont en vacances et qui profitent du bel après-midi pour se baigner. Un peu confus en voyant notre étrange attirail, l’homme se risque à nous demander : « Vous faites de l’escalade les gars? » Il faut dire que même aux yeux d’un non-initié, deux haulbags de 70L, un portaledge, trois ou quatre bidons d’eau, deux day packs et un sac étanche peuvent paraître overkill pour une simple nuit de camping.

Au total, nous avons fait trois tentatives qui ont toutes trois été épiques à leur façon.Patrick Brouillard
Charles lui répond longuement en lui expliquant toute la logistique de transport du matériel ainsi que les problèmes bio-géo-politiques liés à cette expédition. Une fois le bateau mouche passé, allez hop, il faut y aller. Dans un premier temps, Charles prend bien soin d’arracher son banc en tentant de mettre le canot surchargé à l’eau. La traversée de l’eau et la montée du pierrier se déroulent toutefois comme prévu et même qu’il ne pleuvait pas pour une fois, contrairement à d’habitude… En fait, Dame Nature s’est montrée très clémente avec nous pour faire changement, du moins jusqu’à ce que nous reposions les pieds au sol après notre ascension. Le retour fut pénible. Le matériel était imbibé d’eau mais l’idée de faire deux voyages a rapidement été écartée en dépit de notre état de fatigue avancée. Lors de la descente, j’ai interrogé Charles à savoir comment il se sentait en pleine tempête, exposé sur le flanc d’une montagne dénudée d’arbres avec un sac rempli de métal sur le dos. Sa réponse : « J’ai tellement plus hâte d’être sur la rivière avec les éclairs et le tonnerre! » Heureusement, tout s’est bien déroulé et nous avons même eu le temps de faire une rétrospective détaillée notre aventure en pédalant les dernier 10 km qui nous séparaient de la voiture sous la pluie.

Il nous a fallu beaucoup de persévérance pour mener à terme ce projet. Au total, nous avons fait trois tentatives qui ont toutes trois été épiques à leur façon.

Voici une description sommaire de la voie :

Longueur 1 ( 5.8R 20m )
La première longueur est vraiment belle. On la qualifie même de sport climbing vu qu’on clippe plus de bolts que de pros dans le pitch. Ultra classique et ça donne une petite idée de la grimpe que l’on peut retrouver en terrain facile dans les Hautes-Gorges.

Longueur 2 ( 5.10PG 20m )
Cette longueur s’est complètement transformée au fil du temps. Au départ se trouvait une empilade de blocs précaires qui gênaient un passage délicat vers une rampe. Aujourd’hui c’est devenu une belle longueur d’équilibre sur des petites prises cachées et qui prend plein de coinceurs de petit format.

Longueur 3 ( 5.9 C1 )
À la troisième longueur, les choses se compliquent un peu malgré un départ en 5.9 qui lui demande quelques gros cams. Le toit est bel et bien au rendez-vous et il faut le franchir sur toute sa longueur avec quelque pieds en appuis sur le mur de gauche.

Longueur 4 ( 5.7 )
Cette longueur n’a rien de particulièrement intéressant, juste « scary » lors du premier passage et jusqu’à l’aménagement de ce qui est devenu une belle vire avec un relais sur deux plaquettes.

Longueur 5 ( 5.11 C1 )
Dès le départ, c’est délicat. Il y a peu de prises franche et ça ne lâche pas tant que le relais suivant n’est pas clippé.

Longueur 6 ( 5.11 C2 )
Beau départ bien protégé menant rapidement au passage de la guillotine juste sous le deuxième toit. Après le toit se trouve une plaquette et quelque pas en artif.

Longueur 7 ( 5.10 )
Gravir le dièdre jusqu’au toit et ensuite quelques mètres de belle escalade se rendent au relais suivant.

Longueur 8 ( 5.9 )
Une fissure de rêve : chaque coincement est parfait et on dirait quasiment qu’on est ailleurs que dans les Hautes-Gorges. Le rocher est franc et la protection est parfaite ! Superbe exposition !

Longueur 9
Cette longueur ne possède pas vraiment d’intérêt. Vers la gauche, la fissure est belle, mais elle semble mener vers un cul de sac lousse et instable. D’où le pourquoi de notre choix d’aller vers la droite, qui n’est pas tellement mieux. Bref si la noirceur arrive, je vous recommande de

2 Comments on "Les Clandestins – Tous les détails"

  1. « les problèmes bio-géo-politiques » Ha Ha Ha! Elle est bien bonne celle-là! Faudrait que vous écriviez un article séparé juste pour conter tout ça!

    Hé, vous vous souvenez de la madame du parc qui affirmait, avec une certitude inouie, que la PAROI s’appelait la Pomme d’Or!

  2. Beau récit les boys et bravo pour la persévérance!

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