Les Vôutes: une nouvelle grosse voie à Nipissis

Par Patrick Gagné

Mythique pour plusieurs d’entre nous, la rivière Nipissis au mile 51 de la voie ferrée, offre aux glaciéristes téméraires un défi de taille à leurs ambitions. Les voies du mur 51 offrent un mélange de difficulté et de variété pour les plus aguerris des grimpeurs. Dans la vallée où est situé ce mur, plusieurs autres voies de difficultés modérées tout aussi impressionnantes sont accessibles. Que ce soit une voie technique ou non, l’escalade dans ce lieu insolite au décor grandiose, reste une expérience inoubliable. Pour moi et mes partenaires c’était un point culminant de tous nos années d’expériences cumulées.

À la fin de la saison 2021, pour fêter ses 40 ans, Nicolas Ouellet m’avait demandé si l’idée de grimper dans les Rocheuses Canadienne m’intéresserait. Je voulais bien grattonner la glace avec Nicolas, mais je ne voulais pas abandonner Vincent Demers, mon fidèle partenaire. Vincent lui, m’avais fait part auparavant de son désir d’escalader les parois du mile 51. J’ai rapidement convaincu Nicolas de former un trio avec Vincent pour affronter les parois de la rivière Nipissis.

Le 7 février 2022 nous avons pris le chemin en direction de la Côte Nord. Nous voulions initialement prendre le train à partir de Sept-Iles, le Tshiuetin, avec un coût minime de 15.00 $ par personne pour se rendre au mile 51.

Considérant les restrictions encore en vigueurs, cette option n’était pas possible. Nicolas, tenant mordicus à faire son expédition, nous a dégoté un hélicoptère peu dispendieux. C’est à bord d’un hélicoptère de la compagnie Héli-Boréal que le 9 février à 8h, nous avons décollé en direction de notre objectif de grimpe. En survolant ce vaste territoire, l’ampleur de notre futur isolation de la civilisation prit toute son ampleur.

Une trentaine de minutes plus tard l’hélico fit un survol des lieux du mile 51. Après avoir choisi notre futur emplacement pour le campement, le pilote nous déposera à une vingtaine de mètre de notre futur campement. Notre camp, à 350 mètres de la voie ferrée, se situe entre le Dôme et le mur 51. Nous voici maintenant complètement seul au monde, face à nous même et à la merci des caprices de dame nature.

Le reste de la journée fut consacrée à construire notre confortable campement. Celui-ci comprenait une chambre douillette pour trois, une toilette presqu’agréable ainsi qu’une tente prospecteur avec un poêle à bois. Cette dernière servira à la fois de cuisine et de pièce pour sécher le linge. Et voilà! Le centre de villégiature de la rivière Nipissis est né!

Le lendemain après une nuit de sommeil confortable, nous avons commencé notre première journée avec une température clémente de -15˚C. Pour le reste de notre séjour le mercure en matinée descendra sous les -30˚C. De notre camp on pouvait observer à notre guise tout le Mur 51. En comparant les cascades du mur au topo que Nicolas avait assemblé et laminé, nous avons constaté que le centre des deux voies les plus incroyable de cette paroi était comblé par une glace blanche bien épaisse. Une voie qui n’avait probablement jamais été gravie.

La ligne convoitée se situait entre Le Chercheur d’or (160m, WI 5) et Le Filon (160m, WI 5+). Rarement formée au complet, cette nouvelle ligne offre une ambiance vraiment différente de ses cousines. Pour Le Chercheur d’or ainsi que Le Filon, je qualifierais l’ambiance de ces deux grimpes, de terrifiante et du genre très soutenu. Au pied de la ligne que nous contemplions, il me semblait apercevoir un itinéraire modéré et très intéressant vu la multitude de grotte qui couvrait cette cascade. Nous avons donc sauté sur l’occasion de faire cette nouvelle voie assez importante pour ne pas dire significative pour le mur 51. La couleur blanchâtre de la glace de notre ligne donne un bon contraste comparativement au jaune brunâtre du Chercheur d’or et du Filon.

Les Voûtes

De loin, le blanc de la glace laissait présagé une glace brûlée par le soleil, mais celle-ci était de très bonne qualité. Les trois longueurs (et un quart) se sont bien succédées malgré notre départ tardif du camp. J’ai grimpé la première longueur, puis Vincent a rapidement rectifié le positionnement du relai en grimpant un 20m supplémentaire pour me sortir de la petite grotte, où les glaçons avait commencé à me dégouliné sur la tête. J’ai poursuivi dans la deuxième longueur pour ensuite laisser Vincent gravir l’avant dernière longueur jusqu’au petit champ de neige. Il ne nous restait plus que 15m où j’ai repris la tête jusqu’au sommet.

Les Voûtes (160m, WI5): Belle voie, pas très soutenu, celle-ci offre une belle option d’itinéraire à ses deux cousines.

Une deuxième nouvelle voie: Jour de Repos (70m, WI4+)

Le lendemain c’était notre jour de repos. Pendant que Nicolas termina la construction du trône (l’abri de la toilette en neige), Vincent et moi partirent trouver un chemin vers une paroi n’ayant vraisemblablement pas été gravie. Cette paroi fait face au mur du méandre (M50). La cascade se situe à plus de 2 km, de l’autre côté de la rivière par rapport à la voie ferrée, sûr la rive ouest. Sur la carte topographique du topo de la rivière Nipissis, il y a un petit ruisseau facilement identifiable. C’est en suivant ce cours d’eau comme point d’entré que nous avons abouti deux heures plus tard au pied d’une très jolie paroi de glace. À un moment donné, en tentant de trouvé notre chemin, nous nous sommes retrouvé dans un secteur ravagé par la tordeuse à épinette où on s’enfonçait parfois jusqu’aux hanches, c’était l’horreur. On aurait mieux fait de suivre le ruisseau sur la rive sud jusqu’à ce que l’on aperçoit la paroi.

Deux jour plus tard, tôt le matin pour profiter du soleil baignant la cascade jusqu’à environ 13h, notre trio est retourné pour gravir cette cascade, Jour de Repos (70m, WI4+). C’est une cascade de plus de 45m de large pour une hauteur de 70m. Pour y accéder il faut rentrer dans une caverne composé de roches géantes et ressortir par une embouchure suffisamment large pour une personne. Plusieurs lignes sont possibles en WI3+ à WI4+, et peut être en WI5 si le rideau de stalactites de la grotte sont affrontés.

Pendant notre séjour nous avons fait une tentative sur Grosse pépite (150m, WI5). La combinaison du froid mordant matinal (-30˚C) combiné avec des vents à plus de 35 km/h, nous a fait rebrousser chemin après une seule longueur.

Pour notre dernière journée d’escalade, toujours avec des températures misérables, nous nous sommes rabattu sûr M. Glaçon (150m, WI4+). Je grimpe du grade 5 depuis plus de 10 ans et je m’y sens très à l’aise. Personnellement je crois qu’il faut pas mal d’audace pour grimper à 80 km de toute civilisation par -30˚C des grimpes très soutenue en WI5+ comme Le Chercheur d’or ou le Filon. Ce n’est que partie remise, j’espère…

Nicolas étant un père de famille avec deux jeunes garçons, il avait apporté un téléphone satellite pour garder contact avec sa jeune famille. Nous étions bien content de l’avoir car nous avons décidé d’appeler l’hélicoptère pour un retour une journée d’avance.

Malgré le froid, la fatigue et la peur, Vincent, Nicolas et moi avons passé de très bon moment de camaraderie dans un lieu magnifique et hostile. C’est une réussite en soi. Presque tous nos objectifs de grimpe ont été atteints. Nicolas a saisi l’opportunité de cet expédition pour marquer son passage de la quarantaine et renouer avec son sport favori tout en redécouvrant le plein air avec un grand « A ». Sans Nicolas et son savoir faire d’architecte et ses dons de cuisinier, cet expédition n’aurais certainement pas été un succès.

Au sommet de Les Voûtes.

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