Par Charles Roberge
En février 2015, j’étais extrêmement motivé de découvrir davantage la Côte-Nord et Nipissis m’apparaissait comme LA destination aventure par excellence. Bien qu’éloigné et difficile d’accès, la présence d’une voie ferrée à proximité rend les choses quand même assez simples moyennant un dispendieux 22$ pour le billet d’aller-retour. J’avais donc réussi à convaincre mon ami Yan Mongrain de m’accompagner dans cette mini-expédition au mur du 51 et la semaine suivante, nous étions sur place. Mes yeux n’étaient pas assez larges pour saisir l’immensité de la falaise et l’incroyable concentration de lignes givrées et mixte. L’aventure ne s’est pas déroulée comme nous le souhaitions et avons dû quitter ce lieu magique plus tôt que prévu. Toutefois, il était clair dans mon esprit que je reviendrais au mile 51 l’an prochain.
Avec mes photos, il n’en fallait pas plus pour convaincre mon ami Jasmin Fauteux de se joindre à l’aventure en 2016 et il y avait déjà notre ami Jean-Philippe Bélanger qui voulait y retourner afin de combler son appétit depuis sa première visite quelques années auparavant. À notre trio de joyeux lurons du Québec, s’est joint Maarten Van Haeran et la légende Pete Takeda, deux grimpeurs que je suis très choyé d’avoir rencontrés.
Le 18 février 2016, nous sommes assis dans le train de la compagnie Tshuietin, une compagnie ferroviaire opérée à 100% par des intérêts autochtones. Pendant le trajet qui durait près de 2 heures, nous découvrons à quel point les régions des rivières Moisie et Nipissis cachent encore des trésors. En débarquant au mile 51, l’enthousiasme est général et nous pouvons facilement comprendre comment Patrice Beaudet se sentait, lorsqu’ en 1994, il avait découvert ce mur lors d’un voyage vers le Labrador.
Le lendemain, Jean-Philippe et moi avons donné nos premiers coups de piolet dans Petite Pépite, une voie vierge jusqu’à ce jour. En même temps, Jasmin et Maarten ouvraient la Variation du Néerlandais, en l’honneur de ce dernier. Pendant que le duo répétait notre première ligne, nous finissons cette première journée de grimpe dans Mr.Glaçon, une voie incroyable. Tellement plaisant de grimper en région éloignée mais voir ses amis grimper au loin sur la même falaise!
Le jour suivant, J-P et moi avons attaqué le Filon, la grosse ligne de la place, tandis que le trio composé de Jasmin, Maarten et Pete réalisaient la première ascension de la fourchette sternale droite. C’était inespéré de voir une de ces lignes minces, rectilignes, raides et épurées, qui ont longtemps repoussé les tentatives, être enfin grimpée! Rendu là, le voyage valait déjà son pesant d’or.
La quatrième journée nous a offert une température douce et humide. J-P et moi avons choisi de la passer dans la fourchette. Certainement une de nos plus belles lignes à vie! Par la suite, nous sommes allés rejoindre le reste de l’équipe qui travaillait un départ mixte du Chercheur d’Or. Jasmin s’est d’ailleurs « offert » un beau vol où il s’est solidement cogné à la tête, impact qui a fait exploser ses lunettes. J’ai eu peur pour lui, mais il s’est heureusement vite remis sur pied.
La journée suivante (5e) fut la plus froide du voyage avec un solide -35 degrés. Le stock d’escalade, mouillé de la veille, que nous avions laissé au pied de la falaise, était complètement gelé. Nous avons eu de la difficulté à enfiler nos harnais et à utiliser nos dégaines. Nous nous sommes lancés dans la Goulotte à M. Félix que J-P voulait compléter comme dernière voie à Nipissis, car il devait partir le lendemain. Glace en béton armé et vis qui ne veulent pas rentrer au menu!
Pour J-P et moi, le sixième jour s’est déroulé dans la tente « prospecteur » bien au chaud à manger du bacon et à boire de la bière. C’était fou de voir comment un poêle à bois bien chaud pouvait rendre la vie en expédition hivernale très agréable. Avec ça, un sac de couchage humide n’est plus un problème. Pendant ce temps-là, les autres ouvraient une magnifique et technique ligne mixte, Âme du Nord, qui a des allures de P’tite-tête/Gaston au Gros Bras. Ils ne l’ont pas eu facile avec le froid et le vent. En soirée, J-P reprenait le train pour retourner à la civilisation.
Le lendemain, malgré la fatigue après autant de jours au froid, Jasmin, Maarten et moi avons ouvert Ectoplasme mais avec une finale différente que celui tracé dans le topo de Patrice Beaudet. Même après tant de jour de grimpe à Nipissis, cette falaise avait encore de belles surprises à nous révéler avec cette voie esthétique à la finale raide et technique.
Au huitième jour à Nipissis, la nature nous a choyé avec une belle bordée de neige fraîche, ce qui a grandement favorisé les risques d’avalanches. Alors, après avoir vécu deux mini-avalanches en allant chercher notre équipement au pied du mur, nous avons opté pour la sagesse et choisi une voie protégée. Notre choix s’est donc porté sur la première longueur de Promenade pour Lady Sarah, une bonne manière de finir le voyage en beauté. En soirée, la neige s’est changée en pluie et la tente « prospecteur », imbibée d’eau, a cessé de nous protéger… une misérable veillée!
Comme dernière journée, nous avons entrepris de tout manger ce qu’on pouvait manger. Et l’aventure s’est terminée avec le démontage des tentes puis une longue attente au frette sur le bord de la voie ferrée. Avec trois heures de retard, le train nous a tous ramassé et nous sommes retournés à la civilisation avec un sentiment très agréable de mission accompli.
Finalement, encore une fois, j’ai eu l’impression d’être au bon endroit au bon moment. Les neuf jours passés à Nipissis auront été tout simplement faramineux et inoubliables malgré la température en dent de scie. Mais j’ai encore soif d’aventure et je regarde déjà pour retourner dans l’arrière-pays de la Côte-Nord l’an prochain! Merci à Jean-Philippe, Jasmin, Pete et Maarten pour ce voyage mémorable.
Beau récit! Et on a le sentiment que c’est n’est qu’un début. Bravo les gars!
Bravo les gars!
Belle job les gars !!!! Très beau récit 😉