Par David Savoie
Ce n’est pas tous les jours qu’un nouveau site d’escalade devient accessible. C’est encore plus rare que ce soit un site qui recèle déjà plus d’une centaine de voies, de 5.6 à 5.13+, avec du potentiel pour encore plus de développement. Imaginez en plus que ce développement se soit fait avec l’aide de la municipalité, qui soutient le projet. Ce site, c’est à St-Alphonse-Rodriguez qu’il se trouve, et les grimpeurs pourront y accéder cette saison.
Tout a commencé par une rumeur : un vieux grimpeur local de St-Alphonse, qui mentionne à des compagnons de cordée la présence d’une vaste paroi peu explorée dans Lanaudière, au potentiel intéressant, mais inaccessible en raison d’un propriétaire qui ne veut pas de grimpeurs sur son terrain. Une histoire connue au Québec… Deux grimpeurs, Evan Stassinos et Steve Bourdeau, parviennent à localiser le mur, s’y rendent et découvrent un joyau brut : une paroi rocheuse de près de 500 mètres, verticale par endroit, déversante ailleurs, du gneiss qui promet de l’escalade de qualité. « Ça filait vraiment comme un coin de paradis. Une énorme paroi comme celle-là, dans notre cour arrière », explique Steve Bourdeau.
Plutôt que de tenter d’équiper de façon furtive et de se rendre sur le terrain de façon illégale, ils tentent une autre approche. La paire se rend directement… à la mairie. «En fait, on est allés à l’hôtel de ville la première journée, pour aller s’asseoir avec l’urbaniste», se rappelle le grimpeur. Déterminer les cadastres, à qui appartient le terrain, et une approche est entamée auprès des élus locaux pour lancer le projet de développer la paroi en collaboration avec le propriétaire.
Il a fallu aux grimpeurs faire de nombreuses démarches pendant de longs mois : expliquer aux élus la nature du sport, comment se fait le développement d’une paroi, les retombées économiques potentielles. Mais le résultat, c’est que la municipalité de Saint-Alphonse-Rodriguez croit au projet et donne le feu vert pour équiper la paroi. C’est en 2019 que les premiers ancrages et que les premières plaquettes sont posées. Depuis, les ouvreurs ont travaillé d’arrache-pied sur le site. « Il fallait brosser environ 20 heures par voie », se souvient Steve Bourdeau.
Un site prometteur
La paroi de Saint-Alphonse – Chez Roger, pour les intimes – est un site aux caractéristiques assez uniques dans la province : un mur avec plusieurs secteurs où se côtoient des voies de tous les niveaux, de 5.7 à 5.13, surtout d’une longueur, sans compter un mur école bardée de voies accessibles. Quelques voies en « multipitch » ont aussi été équipées, sans oublier que le site recèle aussi des lignes de trad et mixte. Déjà, environ 130 lignes sont équipées, avec un potentiel d’une centaine d’autres voies. C’est comme si une paroi de la taille de Weir était accessible du jour au lendemain. « Si tu es un grimpeur de 5.11, 5.12, c’est un terrain de jeu infini. C’est absolument merveilleux le nombre de voies classiques que tu peux faire en une journée », affirme Steve Bourdeau.
Il souligne en plus que les lignes équipées jusqu’à maintenant se sont avérées exceptionnelles, qu’elles soient difficiles ou non. Le site n’a pas de pierrier et la forêt adjacente jette son ombre à la base du mur de roche. Sans compter que des secteurs peuvent se grimper tôt au printemps et jusqu’à tard en fin de saison. De quoi donner de l’eau à la bouche, non?
D’ailleurs, l’ouverture des voies s’est déroulée dans un atmosphère de collégialité. « C’était la première fois qu’on avait une paroi vierge comme ça et qu’on pouvait réfléchir le développement de manière organique. On s’est fait un code d’éthique pour le développement », soutien Steve Bourdeau. Lassé des psycho-drames entourant les projets fermés et les fameux « red tag », les ouvreurs impliqués se sont donnés des règles pour éviter les dissensions. Tous les efforts ont été mis pour développer de belles voies, peu importe le niveau. Les projets étaient tolérés, mais en quantité limitée. Au final, cette dynamique a permis des échanges intéressants entre les ouvreurs et de la rétroaction sur la façon d’équiper ou les choix de lignes. « Moi, je ne voulais pas que ce soit un ‘crag’ secret, je voulais que ce soit ouvert à tous les ouvreurs (brevetés). J’ai vu un grimpeur de 5.14 brosser avec ardeur une voie en 5.6 », explique Steve Bourdeau.
Le site sera accessible aux grimpeurs probablement à compter du mois de mai, mais le nombre de personnes admises sur le site sera restreint durant les premiers temps – notamment en raison de la pandémie, mais aussi parce que toutes les infrastructures ne sont pas en place pour accueillir un grand nombre de grimpeurs. Un livre-guide est déjà élaboré, et sera disponible au cours des prochains mois.
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