Par Carl Darveau
J’avais les genoux à la hauteur d’un Camalot #2 à peine entré, dans un ramassis de roches tourbées qui ressemble quasiment à une fissure lorsque je me suis dit : « qu’est-ce que je fais icitte !? »
En fait ça plutôt commencé quand Jeff Girard m’a appelé pour me parler d’un autre projet. Le Lac à l’Écluse, ok, oui pis quoi… Lennox Hill (5.10, WI5) … les Derniers Nus Mains … M8 WI6 what?? Y est vraiment en forme ou fou le Jeff! Donc, je me dis plan parfait, j’embarque! Deux jours après on part en skidoo et on arrive dans un beau refuge en bois rond.
Il est vraiment beau mais le seul bémol c’est qu’il est infesté de souris. Je vous le dis, y a aucun doute qu’elles consomment de la cocaïne toute la nuit. J’allume ma frontale à une heure du matin pour mettre une pause à leur party pis je réalise qu’elle grignote un trou dans nos beaux Gore-tex. Tout ça pour aller chercher une minuscule graine de barre énergétique qui traine dans le fond d’une poche. Bon c’était pas le mien donc je me dis ferme ta lumière pis dort pour être en forme demain ;-).
Le lendemain on part pour Lennox Hill, tout se passe presqu’à la merveille à part le beau trou dans le manteau de Jeff qui lui crée une bonne aération du mamelon. Ensuite, comme à l’habitude mon partenaire, il démarre ses piolets magiques et nous voilà rendus en haut. (Je lui laisse vous donner tous les détails croustillants sur l’ascension)
Au jour deux, après plusieurs tentatives et des pièges infructueux, de déplacements de matelas, de bouchons dans les oreilles et d’avoir même pensé mettre le feu au chalet pour arrêter leurs raves nocturnes, il nous reste un peu d’énergie pour partir tôt le matin. Jeff veut faire une tentative dans les Derniers Nus Mains. Arrivé au pied de la paroi, j’ai des tremblements juste à la regarder tellement c’est impressionnant. Jeff décolle dans la ligne comme un lion mais, malheureusement, il avait oublié de mettre de l’essence dans ses piolets magiques et il est resté en panne juste avant la glace. Je le sais que c’est impossible que Jeff manque de gaz donc la vrai raison c’est un piton qui s’est enlevé à la main et un manque de glace.

Funny Bone | Photo: Carl Darveau
Par contre, ce qui me chicotait le plus en regardant le beau jaune du coinceur, c’était de comprendre pourquoi je grimpais sur de la glace pis de la roche en plein hiver. J’imagine que je dois pas être le seul grimpeur à se poser la même question plusieurs fois dans une saison?
Je me suis premièrement dit, ça doit être pour le rush d’adrénaline … bon je me souviens d’une fois ou j’ai essayé de déplacer un calorifère chez nous pis que mes doigts on légèrement touché à je sais pas quoi. Oh boy! Les cheveux m’ont retroussés sur la tête; mon ami le rush avait été pas mal plus intense. Pis si ma mémoire est bonne, je n’ai jamais remis les mains là-dessus ! Donc ça ne doit pas être juste l’adrénaline parce que je grimpe encore et depuis un bon ti bout !
Ensuite je me suis dit ça doit être pour impressionner les tites filles du village. Ouin ! ça jamais vraiment fait fureur l’escalade, je suis certain qu’y a pas mal plus glamour comme sport. Bon ben pourquoi d’abord ? Pourquoi me donner autant de misère? Peut-être pour prouver aux grands de 5e année qui me donnaient des claques en arrière de la tête dans l’autobus que je ne suis pas un bon à rien finalement ? Ou bien pour prouver au ti-bout qui était le deuxième dans la rangée de communion « juste en arrière de Marie-Line Langlais (la seule plus petite que moi de la classe) » qu’y a quelque chose de bon là-dedans ?
Sûrement qu’un peu tout ça m’influence mais il y a autre chose de plus fort. Je crois que j’ai compris en installant ma quatrième protection, une belle noix béton. Je ne pensais à rien d’autre que l’action de ma main qui insérait la pièce métallique qui se jumelait à la perfection dans la fissure. Mon esprit était sur pause. Je réalise avec le temps que je fais le vide quand je grimpe. Qu’il n’y a que le moment présent qui existe et bien sûr les beaux souvenirs qui persistent.
FUNNY BONE
Funny Bone (5 étoiles, M7-, grade 4, 45m) est le nom donné pour une superbe ligne qui m’a demandé trois essais. Après ma deuxième chute, c’est là que m’est apparu un bon bleu au coude gauche. J’ai ouvert cette ligne en compagnie de mon partenaire et bon chum Jean-François Girard qui prépare le meilleur thé. Situé au Lac à l’Écluse sur les parois plus à droite, une belle grosse sangle orange est restée sur un coinceur bien encré. Elle permet de bien identifier la ligne. Le départ en roche est légèrement devers jusqu’à la glace. Il n’est pas facile à lire mais prouvera sûrement aux grands de 5e, et peut-être à la petite brune du deuxième rang, qu’y est pas si pire que ça le jeune!

La sangle orange dans Funny Bone | Photo: Carl Darveau
Beau récit ! Les taloches t’ont aussi appris à bien raconter les choses ça a d’l’air 😀
Hahahahaha très drôle! Merci pour le récit! Bravo les gars. N’arrêtez surtout pas !
J’aime bien l’humour. P-A aussi doit avoir reçu pas mal de taloches en arrière de la tête dans le temps parce qu’il aime faire dans l’humoristique, des fois.
Super intéressant ton récit Carl….et belle grimpe aussi 😉
Félicitation