Note : Régis Richard est décédé le 25 avril 2000 et les propos ont été recueillis auprès de son fils, Mathieu Fraser Richard.
Parles-moi de ton père, quand à-t-il débuté à grimper, où et pourquoi?
Mon père a commencé à grimper au début des années 70 il était venu à Chicoutimi pour suivre un cours de pilotage au cégep et c’est F.X. Garneau qui l’a initié.
Pourquoi avoir commencé à grimper au Saguenay? Parce que c’est le paradis de la grimpe au Québec.
D’où est venue sa passion pour la grimpe et la montagne?
Je crois que son goût pour la grande aventure alpine et, évidemment l’escalade, est venu suite ?la lecture du livre 342 heures dans les Grandes Jorasses de Desmaisons. Mon père aimait les grands défis et les gros projets d’envergure et il a d’ailleurs effectué la première ascension hivernale du Cap Trinité en 1976. Je crois qu’il a puis à une grande partie de ce qu’il était comme homme dans les activités de montagne. Lorsque que mon père grimpait, il était en pleine possession de ses moyens et toujours en plein contrôle, même lorsqu’il devait franchir des passages très physiques. Il n’était pas le genre de grimpeur de ?sport ?qui nous fait étalage de ses patois au moment de franchir un crux.
Je crois donc que sa passion pour l’escalade venait du fait que cette discipline le faisait grandir en tant qu’homme.
Combien de voies a-t-il ouvertes et desquelles était-il le plus fier?
Combien? Je ne peux dire. La voie dont il était le plus fier était sans aucun doute La Loutre, une cascade de glace située près de La Pomme d’Or. L’ascension a duré toute la journée, lui et Claude Bérubé ont dé passer la nuit dans une grotte située presqu’au sommet de la cascade pour ne finir que le lendemain. Pour ce faire, ils ont effectué un énorme pendule et sortir sur une autre cascade! Mémorable disait mon père.
Je ne peux passer à côté de La Tache Blanche au Dôme dans le parc des Grand Jardins, voie qui n’a jamais été répétée sans protection comme ?son ouverture (run out plus de 20 m maintenant protégée sur plaquettes). Dernièrement (1989), il a fait l’ouverture du Tableau (3 longueurs 5.11+ ) première ascension en libre.
A quel âge t’a-t-il initié à la grimpe ?
Je grimpe depuis toujours, je me rappelle que tout jeune mon père m’équipait avec harnais, bottes et casque et il me faisait grimper les escaliers de la maison. Vers l’âge de 6-7 ans nous avons fait nos premières sorties sur de petites parois qui étaient en fait de grosses roches, mais j’étais seul ?grimper car je ne pouvais assurer mon père. Vers l’âge de 9 ans, il m’accrochait après un arbre au pied des parois et je pouvais alors l’assurer sans peur d’être emporté par la corde. C’est vers l’âge de 13 ans que nous avons fait notre première sortie au Dôme dans Les Grands Jardins. Nous avions grimpé Tour de contrôle, une voie qu’il a ouverte et nommée en l’honneur de son métier de contrôleur aérien. 15 ans plus tard, j’adore toujours me rendre dans ce paradis de grimpe au cœur du Québec.
Selon toi, qu’est-ce qui caractérisait ton père au niveau de l’escalade?
La témérité! Il n’avait pas peur de s’engager dans un passage difficile à protéger sur plusieurs mètres de corde. Comme je le mentionnais plutôt, mon père faisait preuve d’un calme inouï lorsqu’il grimpait. Il était le premier de cordée par excellence car il ne flanchait jamais et ce, peu importe le niveau de difficulté du passage. Sa technique était impeccable et très gracieuse et il se déplaçait sur le rocher avec une aisance presque incompréhensible.
As-tu une ou deux anecdotes cocasses au sujet de ton père?
Lorsqu’il était très malade, alors atteint d’un cancer généralisé j’ai demandé à mon père s’il souffrait et il m’a répondu que ce cancer ce n’était rien comparé aux souffrances qu’il a vécues en haute montagne, au Denali.
Extrait de son journal de bord :
Mont Mckinley 28-05-1977
Hans et Stephan prennent une tente, un poêle, un chaudron et partent pour 17,200 pour tenter le sommet par après.
Moi et Claude on essaie de se rendre à 16,400 mais à peine avoir fait le 1/4 du chemin sur les cordes fixes (15,300) on a de violents maux de tête et de cœur. On décide de redescendre ?14,200 pour y passer la nuit.
Je suis démoralisé. J’ai pratiquement envie de tout lâcher. Mon mal de tête est le pire que je n’aie jamais eu. Je prends 2 292 et je m’étends.
Mont Mckinley 29-05-1977
Le moral est bas. Je n’ai même pas envie de remonter. Pourtant on est rendu trop loin pour lâcher. Un p’tit coup de cœur, on fait les sacs et on repart pour 16,400. La montée se fait mieux le moral revient. On se rend enfin à 16,400. Les maux de tête reviennent, Claude est pire. On prend des 292 et on se couche, sans manger. Durant la nuit il a dû venter jusqu’à 75mph. Tellement que la tente se soulevait.
Petit extrait certes, mais ses aventures en montagne l’avaient quelque peu préparé à affronter cette dure épreuve que fut la maladie.
Qui ont été les principaux partenaires de cordées de ton père?
Le premier fut bien sur F.X. Garneau. Claude Bérubé fut son partenaire au Mont Denali, lors de certaines ascensions du Cap Trinité et lors de nombreuses aventures de glace. Aussi Jacques Lamontagne qui l’a secondé lors de l’ascension de La Tache Blanche avec F.X. Je ne peux passer à côté de Mario Bilodeau et Hubert Morin (le Tableau) qui m’ont confié ne plus avoir beaucoup grimpé suite au décès de papa.
Que gardes-tu de son héritage?
Le goût d’entreprendre et de mener à terme des projets. Mais bien sûr le goût de l’aventure et une approche de l’escalade qui est bien différente de celle qu’ont mes partenaires de grimpe d’aujourd’hui. Je l’en remercie. Je n’aspire pas à grimper du 5.13 ou 5.14 comme certain d’entre eux qui affectionnent l’escalade sportive et le culte de la performance, l’héritage qu’il m’a laisser c’est le plaisirs de grimper une montagne.
Régis Richard n’était pas un grimpeur il était un alpiniste.
Il ne partait jamais sans?
Des graines, des foutus de graines (arachide, amande, fruits séché tout ce qu’on mangeait en parois c’était des noix, des noix pis encore des noix au détriment de mon gourmant appétit. Mon père disait: les noix ça ne prend pas de place dans le sac ?dos pis c’est plein de bonnes protéines.
Be the first to comment on "Régis Richard"