Roadtrip en Haute-Gaspésie

Etienne Rancourt grimpe Méduse, WI4 en Gaspésie | Photo: Tim Banfield

Texte : Étienne Rancourt
Photos : Tim Banfield ou IceClimbing

6 heures du matin. Le réveil sonne. La charpente de la vieille, mais charmante maison de bois dans laquelle nous logeons craque sous les assauts répétés du vent. J’ai besoin de quelques secondes pour me situer dans le temps et l’espace. J’ai les yeux lourds. Je ressens de la fatigue accumulée, issue de plusieurs jours d’efforts intenses et d’émotions fortes. Une riche et réconfortante odeur de café Kicking Horse s’infiltre par les interstices du plancher de bois et m’extirpe enfin du lit. Tout redevient clair en jetant un coup d’œil par la fenêtre givrée à la vue des glaces qui défilent au rythme des marées : je suis en Haute-Gaspésie dans le magnifique village de Mont St-Pierre.

Fidèle à son habitude, Alex m’accueille au bas de l’escalier étroit et inégal avec une tasse de café franchement filtré. La vue du matériel d’escalade de glace qui recouvre chaque pouce carré du salon et du hall d’entrée me fait sourire. Alors que je m’attelle à ma tâche œufs et bacon, mes amis et coéquipiers s’installent les uns après les autres à la grande table qui se retrouve au centre de nos histoires et éclats de rire depuis quelques jours déjà : Anna Pfaff, Kim Hall, Nathalie Fortin, Tim Banfield et Alex Pedneault. Il y a de la fébrilité dans l’air, une autre journée mémorable d’escalade sur les grandes classiques de la région nous attend.

Nathalie Fortin dans Une Fière Chandelle à Saint-Maxime-Du-Mont-Louis, Gaspésie, Quebec | Photo: Tim Banfield

La planification d’un tel voyage a débuté quelques semaines auparavant. À la suite d’un premier roadtrip mémorable avec mes amis Alfred Boivin et Nelson Rioux, commandité par KSL Sport, je reçois un texto de Tim Banfield, photographe professionnel basé à Canmore. Tim connaît bien le Québec et a même déjà grimpé en glace en Gaspésie avec sa blonde il y a plusieurs années. Il me propose d’y retourner et me demande de trouver le plus solide partenaire de glace possible. Un nom me vient tout de suite à l’esprit : Nathalie Fortin. Je ne l’ai pourtant jamais rencontrée… Alors pourquoi Nathalie? En plus de notre passion commune pour la glace, nous partageons également une vaste expérience d’alpinisme en haute montagne. Mon instinct me parlait et je savais que nous allions bien nous entendre. Il s’avéra qu’il n’aurait pu avoir davantage raison. C’est comme si nous grimpions ensemble depuis des années.

Alors que tout le monde met la main aux préparatifs, j’apprends en cours de route que les grimpeuses professionnelles Anna Pfaff et Kim Hall se joignent à nous. Non seulement ça, Petzl et CAMP nous envoie par poste prioritaire du matériel d’escalade dernier cri pour les photos. Tous les éléments sont réunis pour faire de ce roadtrip un voyage dont nous nous souviendrons longtemps.

Tim avait investi Nathalie et moi d’une mission : grimper le plus de classiques possibles entre le 9 et le 15 février. Sa liste préliminaire incluait : Méduse WI4, Cigarette Bleue WI4+, Corneille WI5+ et Épée de Jade WI6, objectifs que nous réaliserons comme prévu. En maximisant nos journées, nous ajouterons la très technique Éole WI5+ sur le Mur des Crapeaux par un froid sibérien et après une approche épique avec de la neige en dessous des bras, la très esthétique Une Fière Chandelle WI5+ (stationnez-vous au 22 Rue de la Rivière en prenant soin de saluer le gentil propriétaire) et plusieurs sessions sur une surprenante paroi verticale inconnue en bordure de route. Le voyage se terminera par Rio Del Lobo à la magnifique paroi artificielle au centre-ville de Rivière-du-Loup et Pilier de Crystal WI4+ aux Chutes Montmorency.

Etienne Rancourt dans Corneille, WI5+ en Gaspésie, Quebec | Photo: Tim Banfield

Grimper avec un photographe professionnel ajoute une tout autre dimension à l’expérience. Chaque jour, à chaque pas, à chacun de mes coups de piolets, je m’efforce de demeurer le plus naturel possible et en tâche d’oublier sa présence. Cependant, il est inévitable qu’on ressente une certaine pression de performance, d’autant plus que Tim est un grand perfectionniste et ne laisse aucune place à l’erreur. Chacune de nos actions a un objectif préétabli. Nous établissons l’horaire des journées en fonction de la luminosité, de la température, des angles possibles de prises de vues offerts par la topographie environnante, etc. De plus, il faut être prêt à s’arrêter à tout moment, souvent avant de mettre sa dernière vis, afin de permettre au photographe des changements d’objectifs ou de positions pour optimiser l’effet recherché. Tim est un vrai professionnel et c’était un honneur de lui servir d’athlètes. Nous avons beaucoup appris de l’expérience et de plus, ça nous fait de magnifiques souvenirs!

Nathalie Fortin grimpe Éole, WI5 au Le Mur des Crapauds de Mer | Photo: Tim Banfield

Je ne refuserai jamais une proposition d’aller grimper en glace en Haute-Gaspésie, et ce, pour d’innombrables raisons. Ex aequo en toute première position : l’ambiance et la facilité d’accès aux voies. Nulle part ailleurs, je n’ai grimpé avec un tel paysage et avec la possibilité d’assurer de l’auto, et j’exagère à peine. Vient ensuite le caractère unique de la glace rencontrée, souvent pleine de méduses, de choux-fleurs, de colonnettes, de trous inexplicables et d’autres caractéristiques que je ne saurais même nommer. Et le tout, souvent au cours de la même voie! Il faut être prêt à s’adapter à tout pour grimper en Gaspésie. Mais on en ressort un bien meilleur grimpeur. Il n’y a plus de surprise quand on grimpe ailleurs. Comme j’ai pu le constater sur la Pomme d’Or hier 🙂

Si vous désirez des informations plus spécifiques sur les voies mentionnées ici, n’hésitez pas à me contacter sur Instagram sous etiennerancourt. Au plaisir de vous croiser sur les magnifiques parois du Québec!

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