Profil de Serge-Alexandre Demers-Giroux

Par David Savoie

Il a fait découvrir aux réseaux sociaux de nouvelles parois, il sillonne son coin de pays natal, la région de Lanaudière, à la recherche de nouveaux endroits où grimper. Serge-Alexandre Demers-Giroux est une sorte d’explorateur 2.0. EscaladeQuebec lui a parlé.

EQ: Comment as-tu commencé à grimper – alors qu’il n’y a pas vraiment d’endroit où s’initier dans Lanaudière ?
Sadg: J’ai commencé à grimper à l’université. Il y avait un petit mur de bloc à l’UQAM. À un moment donné, je me suis dit que j’allais essayer ça, en chaussures de course. J’aimais bien ça. Je connaissais une fille dans mon BAC qui grimpait aussi, et je lui ai demandé si elle pouvait m’emmener grimper dehors. Nous sommes allés faire du bloc à Val-David. J’étais complètement pourri (rires). J’ai eu la piqûre. J’ai commencé à grimper quatre fois par semaine. J’ai voulu suivre un cours pour apprendre à faire un relais, on devait le faire avec Action Directe. En fin de compte, le cours avait été annulé, mais je ne l’avais pas su. Je suis arrivé le matin là-bas, et il n’y avait personne. J’étais avec mon frère. Nous sommes allés à Val-David, où on ne connaissait rien du tout. Au village, on demandait aux gens où étaient les cours d’escalade. On a fini par aller trouver quelqu’un qui grimpait, pour qu’il nous montre comment installer une moulinette. Nous avons rencontré un vieux bonhomme, j’oublie son nom, il faisait du rappel et il « tripait ». Il nous a tout montré. Le lendemain matin, je suis allé m’acheter 4 ou 5 livres sur comment faire un relais et de la moulinette, et par la suite, j’ai commencé à grimper dehors.

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EQ: Et ensuite, tu as commencé à grimper dans Lanaudière ?
Sadg: Oui, en fait, je ne suis jamais vraiment retourné dans les Laurentides (rires). Je me suis vraiment concentré sur Lanaudière, pour explorer tous les bouts de roche qui pouvaient se grimper. J’avais fait de la randonnée avant, mais la course en sentier a débloqué pas mal de choses. En 2 heures, tu fais 20 kilomètres, c’est pas mal de route dans le bois.

EQ: Qu’est-ce qui t’a amené à vouloir découvrir des nouveaux endroits ?
Sadg: C’est plus l’inverse: ce qui m’a amené à faire de l’escalade, c’est d’aller plus loin dans le bois, sortir des sentiers battus. Je ne grimpe pas pour répéter des voies. Je grimpe parce que c’est un objectif de découvrir de nouveaux endroits. J’aime ça répéter, disons, des classiques, mais je n’ai jamais eu de but de difficulté, s’entraîner pour une voie en particulier. Une belle ligne dans un nouvel endroit, c’est comme un attrait de plus.

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EQ: Ça fait 8 ans que tu grimpes, et tu fais un peu de tout ?
Sadg: Absolument tout ! Il n’y a rien que je ne fais pas (rires). Grimper un bout de roche, ou grimper un bout de glace. Je peux faire 20 kilomètres pour aller faire trois mouvements sur un bloc, ou marcher 400 mètres pour faire 10 pitchs. Ça ne change rien.

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EQ: Pourquoi Lanaudière, qu’est-ce qui t’attire tant dans ta région natale ?
Sadg: Je suis toujours dans ces environs-là. Je pense aussi que c’est un territoire plus vierge. À la fin de ma journée de travail, en faisant une heure d’auto, je suis rendu dans le bois, inconnu.

EQ: Jusqu’à tout récemment, ce n’était pas une destination, mais depuis quelques années, plusieurs parois ont été équipées. Quel est le potentiel, à ton avis ?
Sadg: Je vais souvent grimper aux États-Unis – à Cannon Cliff, Whitehorse Ledge, les Adirondacks. Un des attraits de Lanaudière, c’est l’aspect sauvage, comme les Adirondacks. Tu vas souvent être tout seul. Il y a un excellent potentiel pour tous les genres de grimpe. Mais c’est plus loin un peu. C’est un peu l’éloignement qui fait que le développement se fait peut-être un peu plus lentement.

EQ: Justement, comment on procède pour découvrir de nouvelles parois, comme avec la paroi du Lac du Cap (il avait posté des photos qui ont rapidement provoqué une fébrilité chez beaucoup de grimpeurs sur les réseaux sociaux) ?
Sadg: C’est un assez long processus ! Je commence avec des cartes topographiques, pour savoir s’il y un bon dénivelé, mais c’est loin d’être précis. Google Earth, ça fonctionne vraiment bien. Ensuite, je vais voir sur place, s’il y a un sentier à proximité, comment se rendre. Pour le Lac du Cap, ç’a pris 2 ans environ. C’est dans la réserve faunique de Mastigouche, où il faut avoir un but de chasse et de pêche. Si tu y vas avec ton canot, simplement pour aller voir une paroi, les gens ne sont pas heureux… J’étais finalement trop loin de la paroi. L’hiver, je me suis rendu compte qu’il y avait un sentier de motoneige pas loin. J’ai demandé à des gens de prendre des photos. Nous sommes allés grimper en glace, l’hiver dernier. Et nous y sommes retournés pour faire de la roche récemment. Il y a 1,5 kilomètre de paroi, jusqu’à 130 mètres de haut. Nous avons déjà équipé et brossé des lignes. Là, la « vibe » est bonne, les gens sont intéressés. Il y a découvrir un endroit, mais ensuite, il faut que les gens veuillent aller grimper là-bas.

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EQ: Tu sembles très ouvert à partager tes découvertes, et laisser circuler l’information. Pourquoi as-tu cette philosophie ?
Sadg: Moi, je pense qu’on a tout à gagner et on a tout à perdre en même temps. Ça dépend des gens qui y vont. Ça conscientise et ça responsabilise les grimpeurs. Ça devient leur responsabilité de développer un site, d’assurer la pérennité de l’accès. Au Lac du cap, si tu y vas avec un chien, que tu cries, que tu te soûles, c’est sur que la fin de semaine suivante, l’escalade est interdite. En même temps, le site est tellement grand que je ne peux pas développer ça à moi tout seul. C’est très beau pour être gardé uniquement. J’aime ça partager de nature, peut-être. On est tellement arriérés, quand vient le temps d’avoir accès à des grands espaces. On est axés sur la chasse, la pêche, le « quatre-roues ». Quand tu arrives pour aller grimper, aller courir, aller marcher, aller camper, dans la nature, c’est ultra compliqué au Québec. Si rien n’est fait pour l’accès, ces endroits-là (comme le Lac du Cap) vont se perdre. C’est vraiment ça mon objectif: que ces endroits-là restent accessibles aux gens qui sont actifs. M’assurer quand la prochaine génération peut profiter de la même chance que j’ai eue d’aller grimper là. Tu vas en Europe, tu vas en Nouvelle-Zélande, tu vas aux États-Unis, ces gens-là sont moins taxés que nous, et ils arrivent à gérer leurs espaces naturels d’une façon 1000 % plus efficace avec moins de ressources, c’est sur et certain.

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EQ: As-tu déjà d’autres parois en tête pour Lanaudière ?
Sadg: J’ai trouvé deux autres endroits à développer. Mais plus ça va aller, plus les parois qu’on va découvrir vont être loin.

EQ: As-tu équipé des voies également ?
Sadg: Oui, j’ai équipé quelques voies. Des trucs dans Lanaudière. Quelques voies ici et là, et parfois, j’équipe des lignes très loin, qui n’intéressent personne, que je grimpe pour moi. J’ai aussi passé du temps à développer un endroit, dans une ZEC, je suis allé à plusieurs reprises, et finalement, il n’y avait rien (rires). C’était trop de temps à développer et ça n’en valait pas la peine. Personne n’aurait fait autant de route pour aller grimper là-bas.

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EQ: Ton partenaire principal, c’est ton frère, Bruno. Comment ça se passe ?
Sadg: J’ai toujours grimpé avec lui. Peu importe ce qui arrive, il n’y a pas de conflits. On va souvent grimper à des endroits qui sont à l’autre bout du monde. Et dans les situations tendues, on sait que ça va aller, qu’on peut compter sur l’autre. On se connaît tellement bien. Tu le sais qu’on va jusqu’au bout. C’est vraiment cool. Avec n’importe qui d’autre, ça va t’irriter à un moment donné. Avec mon frère, ça ne m’irrite pas du tout. On a les mêmes motivations, la même façon de penser.

sa_Mackenzie

3 Comments on "Profil de Serge-Alexandre Demers-Giroux"

  1. Tellement un chic type!

  2. c’est quoi et c’est où la voie de fissure verticale? (photo #1 et 3)
    Elle a l’air cool!

  3. Moi pour l’aspect de l’accès au plein air au Québec, je pense pareil. Il faut vraiment changer les lois et les façons de faire pour gérer notre accès aux territoires malades du Qc! (en Grèce les piliers de pont sont utilisés et entrenus pour grimper dessus… imaginez la différence de mentalité)

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