Par Stéphane Lapierre
En ce moment même, les nouvelles canadiennes sont pleines de «la crise autochtone», aussi appelée la «crise ferroviaire» par certains. On nous rappelle quotidiennement que certains autochtones prennent l’économie canadienne en otage, empêchant passagers et marchandises de circuler librement. Ils et elles privent des compagnies à jouir pleinement du potentiel de développement économique que leur ont confirmé les cours fédérale et provinciales à grands coups d’injonctions. Plusieurs citoyens et même certains premiers ministres provinciaux exigent des actions immédiates et musclées s’il le faut. Il est en effet inadmissible, selon eux, que l’économie canadienne perde quotidiennement des millions de dollars depuis plusieurs semaines. Des emplois sont en jeux. Encore une fois en période de crise, les médias se concentrent sur les conséquences de la crise et nous parlent très peu de ses causes.
Imaginez-vous maintenant être un autochtone, d’hier ou d’aujourd’hui. Imaginez-vous, Innue parcourant librement les lacs, les rivières et les forêts à la fin du XIXe siècle. Puis imaginez-vous vous faire imposer la sédentarisation et la «modernité» dans une toute petite «réserve indienne» par le gouvernement canadien. Ceci alors même que des individus ou des compagnies forestières et minières se voient attribuer, par ce même gouvernement, le droit d’exploiter les terres (clubs de chasse et de pêche privés, coupe de bois, hydroélectricité, etc.) que vous parcouriez librement depuis votre naissance. Imaginez-vous petite Anishnabe en 1970, vous faisant retirer de votre famille puis placée dans un pensionnat. Vous n’avez plus le droit de communiquer avec vos parents. Vous n’avez plus le droit de communiquer dans votre langue maternelle. Vous êtes même violentée physiquement. Imaginez-vous Micmac vivant en 2020 et vous battant, encore, pour la survie de votre langue, de votre culture et de vos droits. Comme l’a écrit Gérald Godin, il serait alors possible que vous en ayez votre « maudit tabarnaque de cinciboire de cincrèmes de jériboires d’hosties toastées de sacrement d’étoles de crucifix de calvaire de couleuré d’ardent voyage. »
En prenant un peu de recul, on comprend vite que cette «crise autochtone» ne dure pas que depuis quelques semaines. La «crise autochtone» dure depuis des siècles. Et ce n’est pas en déplaçant quelques manifestants des voies ferrées qu’elle sera réglée. Les politiciens, les hommes d’affaires, les monsieurs et les madames qui le croient ont la vue bien courte. Les trains pourront recommencer à circuler. Bien sûr. Mais la cause de la crise restera. Le «territoire canadien» appartient-il au peuple canadien ? Le «territoire canadien» appartient-il au gouvernement fédéral ? Appartient-il aux compagnies et aux individus qui se sont vus octroyer le droit de l’exploiter ? Appartient-il aux autochtones ? Qui, au départ, a donné le privilège au roi de France ou à la couronne britannique de concéder des droits sur des terres canadiennes ? Qui a le droit de décider ce qu’il en advient ? Que doit-on faire de la «loi sur les indiens» ? Etc.
Ce territoire que j’ai tant de plaisir à explorer et découvrir, d’autres l’exploitent, l’explorent et le découvrent depuis des milliers d’années. Puissions-nous trouver une façon de le faire ensemble dans le respect, de manière durable et pacifique.
Les dernières mises à jour du Guide des cascades de glace et voies mixtes du Québec pour la région de la Gaspésie vous permettront peut-être d’explorer et de découvrir un petit bout du Québec que vous ne connaissez pas encore. Ou de redécouvrir un secteur que vous pensiez bien connaître. Bons voyages chez vous.

Aude Lapierre au sommet du Petit mont Sainte-Anne, Chic-Chocs | Photo Stéphane Lapierre

Sommet du mont Jacques-Cartier, Chic-Chocs | Photo Stéphane Lapierre

Patrick Raymond dans la première longueur de la Grande voie de la petite Léa, Chic-Chocs | Photo Stéphane Lapierre
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