Pour souligner le 5e anniversaire du décès de Yannick Girard, je vais publier quelques témoignages de grimpeurs qui l’ont côtoyé. Le but étant de garde sa mémoire vivante et se rappeler comment il était agréable d’être en sa compagnie.
Par Arian Manchego
Quand on sortait grimper avec Yann il y avait toujours une aventure, un truc qui sortait de l’ordinaire. Yann était très créatif et pour lui, notre territoire était un jardin vaste et remplit de possibilités. Il avait le tour pour nous convaincre de l’accompagner. C’est ainsi que je me suis fait embarquer dans une journée de grimpe avec lui et Martin Lajoie dans la Réserve de Portneuf. Yann voulait explorer sur le côté gauche de la paroi du lac Bellevue, là où la paroi est plus déversante et plus propre naturellement.
Après une bonne heure et demi de chemin de terre nous arrivons au lac, où se trouvent un grand terrain de camping et une grande plage. On est partis à pied en longeant le bord du lac vers la paroi. Le problème c’est que personne ne passe par là et c’est de la jungle sauvage. Un talus qui est compliqué par beaucoup de végétation, le tout plein de pièges et d’attrapes. Yann était en pleine forme et avançait vite en sautant d’un pic à l’autre comme un petit Elf. Martin appliquait la procédure militaire, ligne droite inarrêtable comme un tank et moi je me débattais en dernier, lentement et péniblement. Après ce qui semblait une éternité on était rendus vers le milieu de la falaise. Plus vers la gauche le mur brillait, lisse et surplombant sur sa première moitié, très beau mais pas assez fracturé pour l’exploration en tête. Devant nous semblait être la meilleure possibilité, un système de fissures démarrant d’un ledge quelques 20 mètres plus haut de notre position actuelle. Allons-y, on s’est dit!
Martin est parti tout droit vers le haut, Yann et moi on a choisi un contournement par la gauche en montant par des rampes et des arêtes lisses. Je comptais sur Yann pour faire les moves tuff et me tendre la main. Lui et moi on s’est rendus au pied de la voie, mais aucun signe de Martin! En se penchant sur le bord de la vire on l’a spotté, il sortait d’un arbre et s’agrippait à des touffes de fougère semi-collées sur la paroi. Mais il forçait, ça n’allait pas bien son affaire. Yann a remarqué « Ahhh y’a une branche de pris entre la tête et son casque ». On voyait ledit casque bien attaché sur le dessus de son pacsac. Martin forçait vers le haut mais la branche ne cédait pas et le casque roulait d’un bord à l’autre, mais pas assez pour clairer la branche. « Attends donc! » dit Yann tout bas. Il m’agrippa le bras et se penche pour regarder de proche. « Ce n’est pas son casque ça! C’est un NID DE GUÊPES » Tout d’un coup on voyait clair – depuis une minute Martin brassait un très gros nid avec l’arrière de sa tête! Il la virait presque à l’envers!
En entendant nos cris, Martin s’est immobilisé. Je me rappelle encore… il a canté doucement la tête, comme s’il écoutait une chanson venant de loin… un instant de calme et d’un coup il surgit en mouvement! La mousse et les fougères r’volaient de partout! Martin fonçait tout droit vers le haut! Il est monté le plus loin possible mais la falaise était lisse et abrupte et finalement il a été obligé de s’arrêter, en se retenant à peine sur des bouts de végétation, quelques mètres seulement en-dessous de nous. « Les gars…. pouvez-vous m’envoyer une corde? » Ça nous a réveillé de notre stupéfaction et on s’est rués sur notre équipement pour vite sortir la corde. On a pu l’aider à monter sans qu’il se fasse trop piquer. Plus peur que mal, une chance!
Le calme revenu, on s’est préparé à grimper. La ligne était belle, deux longueurs et demi de grimpe dure genre 5.11, je me rappelle encore l’exquise concentration de Yann qui faisait des mouvements très précis et creusait pour placer des Aliens et des petites nuts. J’étais incapable d’enchaîner en second, mais on remarquait tous comment c’était beau. Martin se faisait piquer à l’occasion par des guêpes encore un peu choquées et toujours à l’affût. Une fois rendus en-haut on a facilement rejoint le sentier du belvédère et l’aventure se termina en promenade et rigolade.
Merci Yann. Tu nous manques !
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